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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/72

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nication de la religion doivent, bien qu’elles n’aient besoin d’aucun ornement extérieur, user de toutes les ressources de l’art de la parole, et y associer tout ce que les autres arts peuvent ajouter à la mouvante fugacité du discours. Parmi ces autres arts, il ne mentionne, un peu plus loin, page 183, que la musique, dont la parenté intime avec la religion reste un mystère, mais qui a de tout temps fait hommage à cette dernière de ses plus magnifiques chefs-d’œuvre.

Il n’y a rien là que ne confirment des faits incontestables, et à quoi n’acquiesce de nos jours même le calvinisme le plus austère, qui augmente dans le culte, aux dépens de la longueur du sermon, la part faite à la liturgie et au chant des cantiques Ce romantique ne marque aucune disposition à préférer l’apparat de la messe catholique à la sévérité du culte protestant. Il est donc à séparer, à cet égard, de Novalis, des Schlegel, de Kleist.

En ce qui concerne le culte de l’art considéré comme substitut de la religion, la question est moins simple. Le théologien comprend en effet si bien l’admiration, la vénération du beau qui dicte à ses amis l’idée de cette équivalence, qu’il est désireux de partager, plus encore qu’il ne lui est naturel, leur enthousiasme pour l’œuvre des grands poètes et artistes. Leurs raisons lui semblent en grande partie justifiées.

Ils s’inspirent, il le sait, de la très haute conception des arts plastiques, et du plaisir dispensé par eux, qui a dicté à Winckelmann sa magnification de l’architecture et de la sculpture antiques ; ils tiennent compte de l’importance reconnue également au beau et à la puissance du beau par Kant dans sa Critique du Jugement (1791) ; l’œuvre poétique de Goethe comme ses apologies de l’art sont, très normalement, l’objet de leur ferveur enthousiaste ; seule leur sotte hostilité à l’endroit de Schiller les retient de tirer parti comme ils devraient de la doctrine réfléchie de celui qui, mieux que personne, a montré, en particulier dans ses Lettres sur l’éducation esthétique, 1795, le rôle que peut jouer le culte du beau et de l’art dans la formation de l’homme digne de ce nom. Il est vrai que le poète-penseur, mûri par l’expérience et la réflexion, n’a pas manqué de formuler à ce sujet les réserves que commande la sagesse. Ces réserves, les roman-