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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/83

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Schleiermacher se fait donc l’avocat des religions positives. C’est, il est vrai, dans un esprit tel que, pourrait-on dire, il plaide en leur faveur les circonstances atténuantes. Son système est en effet le suivant, conséquence logique de sa doctrine générale : toutes les religions positives, comme toutes les institutions humaines, comme l’humanité elle-même et la nature, sont, à des degrés divers, des manifestations, des réalisations nécessairement finies de l’Infini. Elles souffrent donc toutes des imperfections, des défauts, des infériorités congénitales, constitutives, inévitables, de tout ce qui est fini par rapport à l’Infini, p. 246. Dans sa conclusion, l’auteur ne retiendra que les monothéismes juif et chrétien. Mais dans sa longue et traînante discussion générale, il a toujours soin, et sans que cela paraisse lui être difficile, de ne faire aucune distinction entre les diverses religions positives, aucune exception en faveur du christianisme.

D’ailleurs, de même qu’elles sont toutes imparfaites, elles ont toutes leur raison d’être, et cette raison d’être qui les légitime est d’autant plus solide qu’elles sont plus originales. Car leur nombre, leur diversité, leur originalité est la condition (pages 248-50), pour que l’intuition du Divin, source de toute religion, puisqu’elle ne peut se réaliser totalement dans aucune forme particulière, puisse approcher de cette totalité par le nombre même et la diversité de ses incarnations (page 260). Nous retrouvons ici, appliquée aux religions, l’idée fondamentale de Schleiermacher et de ses amis romantiques, sur le rôle des individuations, tant collectives que personnelles. Le théologien insiste beaucoup sur la nécessité qui s’impose à une religion, pour qu’elle soit vraiment positive, réelle, vivante, d’être une individualité, il dit « un individu » (pages 241, 249), d’avoir « sa physionomie marquée » (page 243), comme son âme distincte.

Cette idiosyncrasie — il lui arrive d’employer le mot, p. 270, — elle la doit à la nature à part et aux circonstances particulières de l’intuition primordiale qui en est la source. Il y a, à l’origine des véritables religions collectives, comme le toute véritable religion individuelle, une intuition personnelle, directe, originale du Divin. Celle-ci est d’importance fondamentale pour les individus. Elle l’est davantage encore pour une collectivité qui, dans la suite de son évolution, remonte toujours au moment du passé, capital pour elle, de