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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/82

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que le théologien romantique rejette absolument. Il ne veut pas seulement détourner de celle-ci ceux auxquels il s’adresse, il veut de plus les disposer plus favorablement à l’égard des religions positives. Avant d’en venir au judaïsme, qu’il caractérisera en cinq pages, et au christianisme, auquel il consacrera les vingt-deux dernières de son dernier discours, il s’arrête longuement, non sans bien des répétitions et beaucoup de confusion, au problème général posé par la différence, les divergences, l’antagonisme, entre une philosophie morale, telle qu’est la religion naturelle, et les religions positives.

La soi-disant religion naturelle, si souvent attaquée dans les précédents chapitres, l’est de nouveau dans celui-ci, pages 243, 248, 259, 272-278. Elle ne connaît pas l’intuition de l’Univers, l’événement intérieur personnel qui, ainsi que Schleiermacher a mis tant d’insistante à l’établir, est le principe même de la religion, la réalité vécue sans laquelle il n’y a pas de religion véritable, de religion vivante. Elle ne la connaît pas dans l’expérience individuelle de ses adhérents. Elle ne la connaît pas en tant que conception collective, car elle ne veut se rattacher à aucun événement historique particulier. Plus qu’aucune religion positive elle se confond avec la philosophie et la morale, dont nous avons vu avec quel radicalisme le romantique entend, dissocier la piété. Ses croyances élimées ne visent qu’à des concepts pauvres, maigres et minces (pages 243, 248, 275). Elle n’a pas le contenu précis, elle n’a pas la substance consistante, elle n’a pas les contours arrêtés, elle n’a pas la figure individuelle, que donnent aux vraies religions l’expérience personnelle qui en est l’âme, et le principe intérieur d’organisation qui fait d’elles autant d’individus, car toute religion véritable est un individu. Elle n’est donc pas une religion. Bien plus, elle est la négation de la religion : l’essence de la religion naturelle, c’est la négation de tout ce qu’il y a de positif et de caractéristique dans la religion, c’est la polémique la plus violente contre ces éléments positifs et caractéristiques, page 277. « Sa lutte contre ces éléments est en même temps lutté contre tout élément précis et réel », page 278. La religion naturelle n’est pas une religion ; elle est le contraire d’une religion. Le jugement est catégorique, la condamnation absolue.