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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/85

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une intuition personnelle du rapport entre le fini et l’Infini, — il ne se décide pas encore à dire entre l’homme et Dieu.

Il en arrive enfin aux religions positives dont il lui importe d’ouvrir l’intelligence à ses amis cultivés, trop disposés à les mépriser. Jusqu’ici il s’est exprimé en termes généraux qui, voulant convenir pour toutes, ne s’appliquent adéquatement à aucune. Maintenant il fait un choix. Il ne parlera que des deux monothéismes qui, l’un et l’autre, ont des adeptes, si inégal qu’en soit le nombre, chez ses compatriotes et contemporains : en cinq pages du judaïsme, en vingt-deux du christianisme, sans distinction pour ce dernier entre le catholique et le protestant.

Avant de le suivre dans les définitions qu’il en donne, arrêtons-nous un instant à deux omissions qu’il n’est pas sans intérêt de constater.

Alors qu’il lui arrive assez souvent d’évoquer les dieux de l’Olympe, pour dire d’ailleurs que leur beauté, à laquelle ses amis croient pouvoir vouer leur culte, ne lui inspire aucun sentiment religieux, on peut noter qu’il n’a pas un mot pour la mythologie nordique, que commencent à évoquer ceux qui, depuis le milieu du xviiie siècle, travaillent à remettre en honneur l’antiquité germanique. Il n’y a chez lui aucune tendance à chercher et à donner un tel aliment au nationalisme allemand.

Plus surprenant de sa part, et non moins digne de remarque, est le fait qu’il ne parle presque pas des religions de l’Orient. Vers la fin du troisième discours (pages 167-168), à l’appui de sa distinction entre le repliement sur soi-même et l’exploration du monde extérieur, il a mentionné comme exemples de la seconde le polythéisme égyptien, et du premier « le primitif mysticisme oriental qui, avec une admirable hardiesse, rattachait directement l’infiniment grand, et l’infiniment petit, et trouvait tout à l’extrême limite du néant ». Et c’est tout. Dans le dernier discours, pas un mot sur les religions orientales. Or dès cette époque, parmi ses amis romantiques, notamment chez Novalis et Fr. Schlegel, cela devient un rite à la mode de se tourner et de se prosterner du côté de l’Orient. C’est de là, comme Boehme l’a montré quelque cent quatre-vingts ans plus tôt et comme certains voudront le faire voir quelque cent ans plus tard,