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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/88

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doit être la poésie par excellence, pour laquelle la philosophie de Hegel sera la philosophie de la philosophie, la philosophie définitive.

D’autre part cet état de polémique constante conduit à une nostalgie dont l’auteur ne définit pas l’objet ; il n’est pas interdit de supposer que cela pourrait être la paix retrouvée dans la victoire définitive du bien sur le mal. Cette nostalgie prend la forme d’une sainte mélancolie, qui est la tonalité de tous les sentiments chrétiens, joie et douleur, amour et crainte, fierté et humilité. C’est la tonalité de la figure et de la vie du Christ lui-même, en particulier dans l’Évangile selon saint Jean, (p. 299-300, et Explication no 14 de 1821).

Le Christ historique a répondu à cette aspiration, à cette nostalgie de la réconciliation entre le fini et l’Infini, disons, en notant que l’auteur évite cette précision, entre l’homme et Dieu. Ce qu’il y a de vraiment divin en lui, c’est la magnifique clarté à laquelle a atteint dans son âme la grande idée qu’il était venu représenter (darstellen, Schleiermacher ne dit pas « incarner ») l’idée que tout être fini a besoin, pour être rattaché à la Divinité, de « médiations supérieures » (page 301, le pluriel de 1799 est remplacé par le singulier en 1821).

Le Christ a eu l’idée de cette nécessité d’une médiation, et il a eu la certitude qu’il était lui, ce Médiateur.

D’où lui vient une telle certitude ? Mystère impénétrable, déclare le théologien, qui écarte ainsi, avec une surprenante placidité, le problème capital de la divinité du Christ. Le Christ est-il Dieu fait homme ou homme fait Dieu ? Le romantique ne veut pas que la question soit posée en ces termes. Il déclare (pages 302-304) : Celui qui se sent le médiateur entre fini et Infini, homme et Dieu, doit se sentir à la fois l’un et l’autre ; il a le droit de dire : Personne ne connaît le Père que le Fils (Mathieu XI, 27 ; Luc X, 22), Quand, à la question du grand-prêtre : « Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? » Jésus répondit : « Oui, je le suis », ce « oui » est la plus grande parole qu’être humain ait jamais prononcée ; ce fut la plus magnifique des apothéoses ; aucune divinité ne peut être plus certaine que celle qui se pose ainsi elle-même. La seconde édition corrige « se pose » en « se proclame », différence significative, mais la note 15 des Explications de 1821 laisse encore bien ambiguë la