Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/87

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tien : c’est la désobéissance de l’homme à la volonté divine, et l’œuvre de Dieu pour ramener l’homme à Lui par voie de médiation. N’aurons-nous pas ainsi une définition du christianisme que beaucoup de chrétiens admettraient sans doute ?

Mais qu’est-ce que l’auteur entend par cette opposition, cette hostilité ? Elle se manifeste dans ce qu’il appelle das Verderben, la corruption, et cette corruption est celle à la suite de laquelle le fini se sépare de l’Infini, « le particulier de l’ensemble, par aspiration égoïste à être quelque chose pour soi », c’est-à-dire par soi et en soi. Sans que le théologien fasse le rapprochement, cette aspiration est celle symbolisée dans la tradition biblique par la révolte de Lucifer, de Satan, des anges dont c’est la chute, et, plus près de nous, par la faute d’Adam. Il convient de se rappeler ici l’importance grandissante que prendra, dans la philosophie de Schelling, l’idée que la tendance de l’individu à se séparer du centre commun pour chercher et trouver son centre en lui-même, que cet égocentrisme est à la fois la condition nécessaire des actualisations finies de la virtualité infinie, et, de la part de l’individu, une faute, qu’il doit expier. « Corruption et rédemption, hostilité et médiation, tels sont les deux aspects complémentaires de cette intuition, inséparables l’un de l’autre, qui déterminent tout le contenu et la forme, la figure du christianisme » (page 291). En effet, à l’égard de cette corruption, de cette chute, continue Schleiermacher, la Divinité, selon l’intuition chrétienne, fait preuve de bienveillance. À l’humanité déchue elle offre des moyens de se relever, de se racheter, de se sauver, par l’effet d’une Médiation. Sous la figure de « divine Providence », elle multiplie les occasions, les moyens, les recours, pour aider l’homme à revenir à Elle : miracles, signes, envoyés. Le christianisme aspire à ce retour. Il combat ce qui s’y oppose dans l’homme. Il combat le mal sous toutes ses formes. Il est en état constant de polémique. Il l’est à l’égard du mal qu’il constate en lui-même ; et donc à son propre égard. Cela le conduit à une conscience de lui-même qui fait de lui une religion à la seconde puissance (p. 294) ; nous trouvons ici une application incidente de l’idée, familière aux romantiques, de la potentialisation d’une activité créatrice par la conscience que celle-ci prend d’elle-même, par la conscience de cette conscience, raison pour laquelle la poésie romantique, poésie de la poésie,