me gagner ; il se contentait de combattre ma crainte
des suites funestes. Il savait bien qu’il n’aurait pas de
peine à me convaincre pour la chose même. La virtuosité
de mes caresses, le plaisir que j’avais goûté, le
battement précipité de mon cœur dans ma poitrine et
que le tressaillement de mon corps traduisait, tout cela
lui avait révélé mon tempérament. Il ne devait que me
prouver qu’il n’y avait pas de danger, et c’est ce qu’il
essayait de faire avec toute l’adresse d’un homme du
monde. C’est ainsi qu’il s’en remit au temps et n’exigea
même pas la répétition d’une telle nuit. Il nous quitta
à une heure, car il faisait jour de très bonne heure.
Il sacrifiait volontiers la durée d’une jouissance à son
secret et à sa sûreté. Il devait traverser la garde-robe,
le corridor, gravir une échelle, sortir par une fenêtre
et gagner une lucarne avant de se retrouver dans sa
maison et de gagner en cachette son appartement. Le
congé fut un mélange merveilleux de tendresse, de
timidité, de badinage, de défense et d’intimidité.
Quand il fut sorti, nous n’avions, Roudolphine et
moi, aucune envie de nous expliquer ; nous étions si
fatiguées que nous nous endormîmes aussitôt. Au
réveil, je fis semblant d’être inconsolable d’être tombée
entre les mains d’un homme ; j’étais outrée qu’elle
lui eût raconté nos plaisirs. Elle ne remarqua même
pas combien je prenais plaisir à ses consolations.
Naturellement, je refusai de coucher avec elle la nuit prochaine ; mais mes sens ne devaient plus m’écarter de mes bonnes résolutions ; je ne voulais plus répéter une telle chose ; je voulais coucher seule