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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/155

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


La conduite du prince me calma bientôt et m’aida à me maîtriser moi-même.

Le prince salua Roudolphine avec la familiarité que ses relations avec le mari lui permettaient ; moi, il me salua avec cérémonie. À table, après les premiers verres de vin, il s’anima un peu, mais sans jamais sortir de sa froideur qui lui était comme une seconde nature. Personne, en nous observant ainsi à table, n’aurait pu soupçonner les relations intimes qui existaient entre nous. La conduite du prince était d’une politesse recherchée, mais rien de plus, et d’une froideur aristocratique. Le prince était vraiment supérieur en son genre. Il avait une vaste culture scientifique et une expérience profonde du monde et de la vie ; il ne perdait jamais son sang-froid ; rien ne le rendait confus, et il était tout à fait impossible de lire ses pensées sur son visage calme et impassible. Chevaleresque des pieds jusqu’à la tête, il était serviable et réservé ; sa plus grande qualité était cependant sa discrétion. Il avait eu beaucoup de succès auprès des femmes ; il connaissait subtilement toutes les faiblesses du cœur humain. Il parlait rarement de ses conquêtes et ne citait jamais les noms. L’égoïsme froid qui était le trait fondamental de son caractère lui permettait de rompre toute liaison qui lui pesait ; mais jamais aucune femme n’eut à se plaindre d’avoir été trahie. Il pouvait rompre froidement un cœur de femme, mais il épargnait toujours son honneur. Sans amour et sans besoin de tendresse, le prince ne recherchait que la jouissance. C’est pour-