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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/185

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


conquêtes. Et s’ils ne se vantent pas, ils se trahissent facilement par un regard ou par une parole inconsidérée. D’ailleurs, on pouvait nous surprendre !

Si j’avais connu les Hongrois et les Hongroises, comme je devais les connaître plus tard, je n’aurais pas tant hésité. J’arrivais de Francfort, où l’on juge très sévèrement la conduite d’une femme.

Mon cœur battait si fort quand M. de R… m’eut laissée toute seule avec son neveu que je pouvais à peine parler. Je m’étais amourachée, je le sentais maintenant. Ah ! si seulement j’avais pu lui communiquer les sentiments qui m’agitaient ! Ce n’était pas que de la convoitise : c’était bien ce sentiment que les livres seuls m’avaient encore fait connaître, l’amour éthéré ! J’aurais pu passer des heures à son côté, le contempler, écouter le son de sa voix, et j’aurais été ineffablement heureuse.

Mais je ne veux pas vous décrire mes sentiments, je n’en ai pas la force. Ma plume n’est pas assez habile ; je n’ai jamais eu la prétention d’avoir du style. C’est tout juste si je connais l’orthographe et la grammaire. La syntaxe et la rhétorique brillent devant mes yeux comme une fata-morgana, que je n’ai jamais pu atteindre. Quand M. de R… se fut éloigné, le majordome de « l’Hôtel de la Reine d’Angleterre », où j’étais descendue, nous apporta la collation commandée : du café, de la crème, des glaces, de la tourte aux noisettes, des fruits, surtout des melons et un punch glacé. Il ne nous apportait que des rafraîchissements. Arpard prit place à mon côté. Comme il faisait très