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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/216

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


comme un mâtin qui veut s’élancer sur un passant mal vêtu.

Ma pose n’était pas très confortable, j’étais éloignée de la table et atteignais à peine les plats ; pourtant le rire nerveux provoqué par Anna jouant à faire le chien me procurait le plus vif plaisir. Elle jouait aussi avec les deux mains, les frappant l’une contre l’autre pour imiter les claquements de fouet du veneur qui veut exciter son chien sur la piste de la bête noire ; tout cela était imité à ravir, et j’avoue que je m’amusais extrêmement. Nina me passait les plats et remplissait mon verre. Nous mangions et buvions tant que la si froide Nina elle-même était pompette. Je jetais quelques bouchées à Anna. Elle ne mangeait les biscuits et autres sucreries qu’après les avoir reniflés comme un chien. Elle faisait même semblant de ronger un os. Elle disait qu’à être mangés comme par un chien les mets gagnaient un goût spécial.

Après le souper, je me préparai, toute joyeuse, à emmener Rose dans ma chambre pour partager mon lit. La jeune fille voulait justement aller au lit et s’étirait comme quelqu’un qui s’endormira aussitôt couché.

« Non, non, ce n’est pas ainsi que je l’entends, lui criai-je, méchante enfant ! Attends, attends donc, tu sembles bien t’ennuyer avec nous. »

Nina s’amusait à faire des bouquets avec des fleurs de cire qu’elle imaginait elle-même. Elle avait pour cette imagination un goût exquis. Elle coloriait ensuite ses bouquets avec des couleurs vives qui paraissaient avoir été prises dans la nature, tant leur