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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/309

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en pleurant ; elle veut prier, mais sa douleur la suffoque ; elle éclate alors en gestes de désespoir. Es-tu prise de vin ? lui demande le grand-prêtre qui, l’observant attentivement, la voyait dans une si grande agitation. Non, répond la pauvre femme, c’est ma tristesse qui m’accable, et je répands mon âme devant Dieu ; une profonde douleur me trouble et m’agite ainsi. — Retourne donc en paix, lui dit Hélie, car certes le Seigneur, qui lit au fond des cœurs, t’a déjà exaucée. Et Anna renaît comme à une nouvelle vie ; le ciel lui accorde un fils ; elle se rend de nouveau à Silo, où elle exalte en termes éloquents la bonté de Dieu qui a mis fin à son violent chagrin.

Nous le demandons : dans une situation semblable, ne serait-ce pas faire violence à notre nature que de nous condamner à contenir en nous ou autant de peine ou autant de joie ? On a bien vite fait d’affirmer qu’une adoration mentale suffit, et à l’homme qui sent parfois très vivement le besoin de prier, et à Dieu qui se plaît tant à écouter nos prières. Il s’agirait cependant de savoir si une semblable adoration ne conduirait pas à quelque violation ou des lois de la nature humaine ou de la volonté de Dieu formellement manifestée. L’histoire d’Anna prouve le premier cas ; le second ressort clairement de cette parole des docteurs de la Synagogue, que Dieu a commencé par frapper de stérilité les épouses des patriarches, afin de porter ces derniers à se jeter à genoux devant lui et à lui adresser de ferventes prières.

Mais pour répondre pleinement aux objections contre la prière, nous allons plus loin et nous disons que celui qui ne se sent pas porté à adorer Dieu à la fois de cœur et de bouche, ne l’aime pas véritablement. Cela peut paraître paradoxal, et cependant en l’affirmant nous croyons ne pas dépasser la limite du vrai. Qu’est Dieu pour le fidèle ? Un père, un ami. C’est en lui qu’il