circonstances. Il finit par le reconnaître après une résistance honorable. Une raison suprême emporte ses derniers scrupules : s’il réussit, il sera proclamé σοφός τε κἀγαθός[1]. L’expression est à retenir. En 409, l’éphèbe athénien ne se contente plus d’être καλὁς κἀγαθός. Des deux épithètes l’une, pour nous la plus significative, a vieilli. A là beauté physique la mode du temps commençait à préférer la souplesse de l’intelligence[2] : on peut le regretter.
Néoptolème va donc maintenant s’essayer à prouver qu’il a, lui aussi, l’esprit souple. Pour gagner la confiance de Philoctète, dès les premiers mots qu’il lui adresse, il ment en disant qu’il retourne à Scyros[3], il ment ensuite en affirmant qu’il ne sait pas le nom, qu’il ne connaît pas les malheurs de son interlocuteur[4], et après que celui-ci lui en a fait un récit passionné, il ment encore en prétendant qu’il a eu aussi à souffrir de l’injustice des Grecs à son égards[5]. Et comme Philoctète, alléché, veut des détails, Néoptolème lui en donne. Ici, sa précision devient inquiétante. Sans doute, Ulysse lui a permis de dire du mal de lui et l’y a même incité[6]. Le jeune homme use largement de la permission, quand au sujet des armes de son père, — ces armes qu’Ulysse avait eu un certain mérite à lui restituer, puisqu’elles lui avaient été attribuées par Athéna, — il raconte à Philoctète le long mensonge, où il charge les Atrides et le fils de Laërte des pires injures, les accusant de tromperie et de vol[7]. Le fils d’Achille ne savait pas altérer la vérité ; désormais cet art-là il le possède. On peut même trouver qu’il l’a acquis un peu vite. Il est vrai qu’il est grec, et
- ↑ Philoct. 119. Le mot important est en tête du vers.
- ↑ De là chez Euripide l’emploi si fréquent (cf. schol. Médée, 665) du mot σοφός, avec des sens si divers.
- ↑ Philoct.. 240.
- ↑ Philoct.. 253.
- ↑ Philoct.. 319 sqq.
- ↑ Philoct.. 64 sqq.
- ↑ Philoct. 363 sqq. — Sa facilité d’invention rappelle un peu celle du Précepteur de l’Électre, racontant la mort imaginaire d’Oreste. Cf. Sophocle I, p. 205.