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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/252

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NOTICE

Sophocle que lorsqu’il avait déjà atteint l’extrême limite de la vieillesse.

À l’Œdipe-Roi fait suite l’Œdipe à Colone. Il ne suffit pas de dire que les faits exposés dans la première pièce précèdent chronologiquement ceux de la seconde. Ce qu’il faut ajouter, c’est que pour nous le premier Œdipe n’est pleinement intelligible que si, au moins dans la pensée, on le fait suivre de l’Œdipe à Colone[1].

Cela ne signifie pas que Sophocle songeait déjà à ce dernier drame, en écrivant le premier. Bien des années se sont écoulées entre les deux pièces. En soi, l’Œdipe-Roi forme un tout complet, qui a son unité dramatique. Ce qui le prouve, c’est l’attention que lui a donnée Aristote et l’effet que cette tragédie produit encore sur la foule. Moralement se suffit-elle à elle-même ? À la fin de sa vie, Sophocle ne l’a plus pensé.

Si, en effet, de l’une à l’autre pièce, malgré quelques modifications sans grande importance[2], les choses se prolongent et se continuent, en réalité, elles sont traitées dans un esprit différent. Les plaintes émouvantes sur la fragilité du bonheur humain sont délaissées : elles sont jugées, sans doute, insuffisantes. Une idée plus haute se fait jour

  1. Cf. Jules Lemaître, Impressions de théâtre, IIIe série, p. 13 sq.
  2. Dans l’Œdipe-Roi, v. 787 sqq., le fils de Laïos, tourmenté par un propos échappé à un convive, va consulter Apollon pour savoir quels sont ses parents. Le dieu, qui laisse sa question sans réponse, lui annonce les crimes qu’il doit commettre, son parricide et son inceste. Dans l’Œdipe à Colone, v. 87 sqq., le dieu ajoute quelque chose à sa prédiction : Œdipe trouvera, après de nombreuses années, ἐν χρόνῳ μαρκῷ, la fin de ses maux, quand des divinités vénérables l’auront accueilli. L’épithète est intentionnelle : toutes les divinités étant σεμναί, Œdipe ne peut pas prévoir qu’il s’agit pour lui des Euménides de Colone. Ainsi le second Œdipe est relié à l’autre par cette retouche. À la fin de la première pièce v. 1438 sqq., on ne sait ce qu’on fera du malheureux : le dieu de Delphes sera encore une fois consulté. Il ne semble pas que l’exil d’Œdipe ait été ordonné par Apollon. Ce sont les Thébains, après un long temps, (χρόνῳ 437, χρόνιον 441) qui l’ont exilé. En effet, entre les deux pièces il faut supposer qu’il s’est écoulé une vingtaine d’années.