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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/260

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NOTICE

verti leur âge ? La légende racontait que lorsque la guerre éclata entre Argos et Thèbes, Étéocle régnait sur cette dernière ville. Donc, pendant cette guerre, Polynice seul pouvait venir en Attique. Sans doute, à l’égard de leur père les deux fils sont aussi ingrats l’un que l’autre, mais les reproches d’Œdipe avaient plus de force, s’ils s’adressaient au plus âgé. Le droit d’aînesse ne donnait pas seulement à Polynice le droit de régner, il lui imposait aussi le devoir de venir en aide à son vieux père. De plus, pour que la querelle entre les deux frères soit plus criminelle, celui qui n’en a pas le droit règne et spolie l’autre. Ainsi, à cause de l’injustice d’Étéocle, Polynice, ce qui paraît intentionnel, n’est pas tout à fait indigne de notre pitié, puisqu’il n’a pas absolument tous les torts.

Pourquoi maintenant contre son fils aîné Œdipe est-il animé d’une haine aussi farouche ? Parce que, dit-il, quand Polynice avait à Thèbes le pouvoir royal, celui-ci l’a exilé et condamné à la vie misérable qu’il mène[1]. Mais le même Œdipe n’a-t-il pas déclaré, dans sa première entrevue avec Thésée, que c’étaient ses deux fils qui l’avaient chassé de son pays[2]. Pourquoi accuse-t-il cette fois le seul Polynice ? Et d’ailleurs n’avait-il pas auparavant limité lui-même leur faute en reconnaissant que, quand l’exil avait été prononcé contre lui, ils avaient seulement laissé faire, sans essayer de le défendre[3] ?

On pourrait aller plus loin. Dans les Sept, dans les Phéniciennes, Polynice n’a jamais eu le pouvoir. Sophocle l’avoue tacitement lui-même. Cela résulte des déclarations précises d’Ismène : d’abord c’est une lutte entre Étéocle et Polynice à qui laissera le trône à Créon ; ils ont peur des malheurs héréditaires attachés à leur race. Puis l’ambition s’éveille en eux ; ils veulent s’emparer de la puissance souveraine. « C’est alors que le plus jeune, le moins âgé prive du trône

  1. Œd. à Col. 1354 sqq.
  2. Œd. à Col. 599 sqq.
  3. Œd. à Col. 427 sqq.