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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/263

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NOTICE

filiale. Sans doute, Œdipe est son père, mais celui-ci ne le rappelle que pour maudire son fils avec plus de fureur. Dans l’antiquité, on n’oubliait pas les offenses, on les vengeait[1]. On ne connaissait pas encore les larmes divines du pardon. Seule, Antigone pouvait les pressentir[2], parce qu’elle est Antigone, mais avec la soumission passive des contemporaines du poète, sans prendre ici parti ni pour son père, ni pour son frère, elle n’intervient même pas entre eux, pour essayer de les réconcilier.

Nous arrivons à la scène capitale, celle qui est annoncée dès le début du drame, la mort d’Œdipe. Cette mort est fort dramatique. Au théâtre, en 401, nombre de spectateurs ont sans doute éprouvé la même impression d’horreur religieuse que celle dont il est parlé dans la pièce, quand après les derniers adieux, les derniers sanglots du père et de ses filles, au milieu du silence, un dieu, le dieu de la mort ordonne impérieusement au vieillard de venir le rejoindre. À ce cri, dit le messager, tous ceux qui l’entendirent sentirent se hérisser leurs cheveux sur la tête[3]. Quand nous lisons aujourd’hui ces vers, nous comprenons encore cette émotion.

Œdipe disparaît et nous ne pouvons savoir au juste comment la chose se produit, puisque celui seul qui y a assisté, Thésée, est contraint au silence. Est-il mort véritablement ? Sans aucun doute, puisqu’il est venu chercher son tombeau en Attique, mais dans le récit des faits on a l’air de dire qu’il est emporté par une force divine[4]. Il est

  1. C’est la règle générale de conduite dont Archiloque (Bergk, II, fr. 65) a été un des premiers à donner la formule : ἒν δ᾽ ἐπίσταμαι μέγα | τὸν κακῶς <με> δρῶντα δεινοῖς ἀνταμείϐεσθαι κακοῖς.
  2. Œd. à Col. 1189 sqq.
  3. Œd. à Col. 1624 sq.
  4. Œdipe avait dit lui-même v. 1551 sq. qu’il allait cacher dans l’Hadès ce qui lui restait de vie et quand le coryphée demande au messager v. 1583, si le malheureux est mort, l’autre corrige l’expression en admettant seulement qu’il a quitté sa très longue existence. Entendez par là que les années de souffrance terrestre vont être remplacées pour le fils de Laïos par une autre vie dans