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HISTOIRE DU PARNASSE

immédiatement après l’envoi de Théophile Gautier. Dans le Parnasse de 1869 sa Cithare figure encore à la deuxième place, après le Kaïn de Leconte de Lisle, et c’est même fâcheux pour Banville, car, de Kaïn à la Cithare, quelle chute ! Les vers coulent, intarissablement ; ce poème pourrait ne jamais finir ; Orphée pourrait chanter bien plus longtemps encore les bienfaits de la lyre. Enfin, au Parnasse de 1876, Banville publie vingt-quatre « rondels, composés à la manière de Charles d’Orléans[1] ». Cela, c’est du pur Parnasse. Les titres, à la table des matières, sont presque ridicules de simplicité, d’impassibilité : le jour, la nuit, le printemps, l’été, le matin, le soir, le thé, le café, etc. Mais les pièces sont exquises, notamment l’Hiver :


Au bois de Boulogne, l’Hiver,
La terre a son manteau de neige.
Mille Iris, qui tendent leur piège,
Y passent comme un vif éclair.

Toutes, sous le ciel gris et clair
Nous chantent le même solfège ;
Au bois de Boulogne, l’Hiver,
La terre a son manteau de neige.

Toutes les blancheurs de la chair
Y passent, radieux cortège ;
Les Antiopes de Corrège
S’habillent de martre et de vair,
Au bois de Boulogne, l’hiver.


Notons pourtant deux contradictions. Les rondels ne sont pas conformes à la règle qu’il en a donnée lui-même[2]. Puis, en général, le tenant de la rime exacte jusqu’à la richesse, se contente, dans son improvisation hâtive, de simples chevilles : dans le Thé, il décrit une tasse en porcelaine de Chine :


Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise
L’extase et la naïveté :
Miss Ellen, versez-moi le thé.


Naïveté rime bien avec le thé, mais la raison voudrait duplicité pour aller avec sournoise.

De plus, fait très considérable, il figure, avec Coppée et France,

  1. Cf. Banville, Petit Traité, p. 185.
  2. Petit Traité, p. 185-187.