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HISTOIRE DU PARNASSE

plein air[1], à ses interminables randonnées où parfois une bouffée de poésie vraie vient rafraîchir son front fiévreux de phtisique. Dans sa vie de désordre et de misère, Glatigny trouve moyen de travailler, d’apprendre à fond son métier de poète. Il le connaît, sur certains points, mieux que son maître, et lui indique pour le Petit Traité de Poésie des corrections que Banville s’empresse de mettre à profit[2]. En récompense, Glatigny lui demande des livres, notamment le Dictionnaire des rimes de N. Landais. Il lui emprunte aussi, malheureusement, des rimes riches ; c’est dans les Odes Funambulesques qu’il va chercher ses modèles de rimes-calembours ; témoin ce triolet :


Ô Vénus, voici Monselet,
Chantons des actions de grâces :
Écrivain que Lhomond celait,
Ô Vénus, voici Monselet.
Pour lui l’Amour amoncelait
Les plus tendres baisers des Grâces :
Ô Vénus, voici Monselet,
Chantons des actions de grâces.


C’est une dédicace sur un exemplaire des Vignes Folles[3]. On dirait du Banville, et du pire. L’excuse de Glatigny c’est qu’il débute, et qu’il a dix-huit ans. Coppée admirait beaucoup, un peu trop même, ce livre dont Anatole France a dit plus froidement, et plus justement : « ces vers joyeux, brillants, spirituels, tournés avec un art à la fois savant et facile, et qui sont d’un poète[4] ». Puis, ce sont Les Flèches d’or, en 1864, titre bien ambitieux pour nombre de ces pièces où il se travaille à expliquer que, dans les aventures galantes de sa vie errante, il prête son corps, mais ne donne pas son cœur : la distinction est fort peu intéressante pour le. lecteur. Avec cela, il a des prétentions littéraires ; comme il a entendu dire à des camarades de brasserie que le vent nouveau est à l’hellénisme, il joue au Faune : il dédie à Georges Lafenestre sa Joie d’Avril, où éclate simplement la joie de vivre ; il s’affuble d’un déguisement mythologique :


Pour moi je veux aller tout seul dans la campagne…


  1. Troubat, La Salle à manger de Sainte-Beuve, p. 319-320.
  2. Mercure de France, 15 avril 1923, p. 387, 397-398.
  3. P. p. François {{sc|Montel}, supplément littéraire du Figaro du 25 avril 1925.
  4. {{sc|Lescure}, François Coppée, p. 66 ; A. {{sc|France}, Le Génie latin, p. 377 ; cf. dans la Revue fantaisiste du Ier juin 1861 une invocation à Vénus, qui est une simple paillardise.