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LE PARNASSE


Sous l’arôme attiédi qui tombait des feuillées,
Par les sentiers moussus, furtifs, mystérieux,
Leurs pieds nus agitaient les bruyères mouillées,
Et l’écho se troublait de leurs rires joyaux.

Libres, ravis, la joue en fleur, la bouche ouverte,
Avec des yeux emplis de frais rayonnements,
Par delà les détours de la forêt déserte
Ils cherchaient des pays inconnus et charmants.


Tout lecteur admire ; l’auteur n’est pas encore satisfait ; il pétrit à nouveau son argile, et l’œuvre parfaite apparaît :


Un soir d’été, dans l’air harmonieux et doux,
           Dorait les épaisses ramures ;
Et vous alliez, les doigts rougis du sang des mûres,
           Le long des frênes et des houx.

Ô rêveurs innocents, fiers de vos premiers songes,
           Cœurs d’or rendant le même son,
Vous écoutiez en vous la divine chanson
           Que la vie emplit de mensonges.

Ravis, la joue en fleur, l’œil brillant, les pieds nus,
           Parmi les bruyères mouillées
Vous alliez, sous l’arôme attiédi des feuillées,
           Vers les paradis inconnus[1].


D’autres fois, c’est le marbre qui se dresse devant nous, poli, ce semble, ad unguem. Leconte de Lisle publie dans la Revue des Deux-Mondes du 15 février 1855 cinq pièces où l’on peut supposer qu’il emploie toutes les ressources de son art ; et, en effet, quand il les reproduit dans ses Poèmes, Fultus hyacintho ne présente pas une variante[2]. Les Damnés de l’Amour n’ont qu’un changement de titre, et, dans les Poèmes barbares deviennent Les Damnés. Pour Le Vase, l’austère Buloz, repoussant l’orthographe du poète, avait imprimé : l’acanthe corinthien. Leconte de Lisle, dans les Poèmes antiques prend sa revanche : l’acanthe korinthien ! Mais dans Les Hurleurs, il y a deux variantes, et il y en a sept dans Les Jungles[3]. Le tigre se réveille :


Au travers de la nuit il miaule tristement,


lisait-on dans la Revue. Cette synérèse semble dure au poète, et

  1. Poèmes Antiques, p. 307.
  2. Poèmes Antiques, p. 266.
  3. Poèmes Barbares, p. 171, 202.