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XXI
INTRODUCTION

simplement sa contribution à cette histoire, ne comptant parler que des Parnassiens qu’il a intimement connus[1]. Malheureusement sa mémoire est infidèle, et son-récit fourmille d’erreurs de détail. Mme de Callias, fille de M. Gaillard, nous est présentée comme « née Chaptal[2] » ; son salon qui, nous le verrons, a joué un certain rôle aux débuts du Parnasse, n’aurait été fréquenté qu’après la dispersion de l’École. Ricard enfin a pour les dates un mépris fâcheux. Dans le Petit Temps du 3 décembre 1898, il affirme que le premier Parnasse, de 1866, fut suivi de deux autres, en 1876 et en 1879-1881 ; puis, sans paraître s’en apercevoir, il se rectifie lui-même dans le numéro du 6 décembre : « la publication du second Parnasse, préparée en 1869, fut, à cause de la guerre, ajournée à 1871 ; le troisième et dernier parut cinq ans après, en 1876 ». Voilà bien des flottements, bizarres chez celui qui se prétend fondateur de l’École, avec Mendès, et presque unique créateur du Parnasse[3] ; car il réclame pour son journal L’Art ce que, sournoisement, Mendès voudrait attribuer à sa Revue fantaisiste ; L’Art, dit-il, n’a été ni la continuation, ni la reprise de la publication de Mendès ; au contraire, prétend’le directeur vexé, L’Art est le père du Parnasse : « il faut poser ceci en principe, dit solennellement Ricard : c’est un anachronisme de parler de parnassiens avant le Parnasse, et il n’y a pas eu de Parnasse avant le groupement qui s’opéra à l’occasion du Parnasse Contemporain chez Lemerre, à la suite de la transformation du journal L’Art, qui en fut la préparation et la préface[4] ». Nous verrons que ni Mendès ni Ricard ne sont les vrais fondateurs du Parnasse, séparés ou associés. Mais dès maintenant le duel de leurs vanités est intéressant : il est toujours amusant de regarder ferrailler les amours-propres d’auteur, et c’est très utile, car, chacun des adversaires découvrant et visant le point faible de l’ennemi l’erreur est détruite par l’erreur, et c’est la vérité qui gagne.

Ricard est un passionné ; s’il est moins vaniteux que Mendès, il est politicien, et c’est aussi fâcheux pour la précision littéraire. Il raconte les débuts du Parnasse avec son animosité contre ceux qui, comme Coppée, ne partagent pas ses idées sur l’affaire Dreyfus. La même affaire rapproche Ricard d’Anatole France « en une amitié

  1. Petit Temps du Ier juillet 1899.
  2. Ibid., 9 septembre 1900.
  3. Ibid., 13 novembre 1898.
  4. Le Petit Temps des 13 et 17 novembre 1898.