Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XXIII
INTRODUCTION

et l’amour des Lettres forceraient quand bien même à crier solennellement et devant le monde entier : Leconte de Lisle est un grand et noble poète[1] ». Verlaine avait donc au fond du cœur assez de générosité pour écrire une histoire impartiale du Parnasse, s’il avait été capable de s’appliquer longtemps à la même idée ; du moins son témoignage est considérable.

Enfin, pour épuiser la liste des poètes plus ou moins parnassiens qui ont raconté, à leur façon, l’histoire de l’École, il faut voir ce qu’on peut tirer de l’ami et biographe du pauvre Lelian, Edmond Lepelletier. Verlaine lui a dédié la pièce bien connue :


Mon plus vieil ami survivant
D’un groupe déjà de fantômes
Qui dansent comme des atomes
Dans un rais de lune devant
Nos yeux assombris et rêvant[2]


Pour Lepelletier, le salon Ricard semble avoir eu une importance capitale : tout en reconnaissant que cette maison était devenue peu à peu très bohème, il trouve que son action sur l’École a été décisive ; il insiste sur ces réunions du vendredi ; il prétend que le Parnasse en est sorti, comme de son berceau[3]. Cela tient simplement à ce qu’il a fréquenté ce milieu, tandis qu’il n’était pas reçu chez Leconte de Lisle[4]. Il parle souvent de son salon, comme s’il voulait faire croire qu’il était un des habitués, mais il n’a échangé qu’un mot avec le Maître à la première d’Henriette Maréchal, et c’est tout[5]. Il ne connaît même pas très bien le texte des trois Parnasses : il dit de Nina de Callias qu’elle adorait les vers et avait le mérite de n’en pas faire ; or, les vrais parnassiens font des plaisanteries sur les pièces qu’elle publie dans le Parnasse de 1869[6]. Chose plus grave, Lepelletier ne sait pas lire les textes qu’il cite : ainsi Barbey d’Aurevilly, dans Le Nain Jaune, reproche aux parnassiens d’avoir oublié, dans le Parnasse de 1866, Lamartine et quelques autres. Ricard envoie à Barbey une lettre en riposte. Lepelletier rappelle cette histoire : il trouve que ce fut une injustice et une maladresse de n’avoir rien demandé à Lamartine, et

  1. Œuvres, V, 293.
  2. Œuvres, III, 159.
  3. Paul Verlaine, p. 133-137.
  4. Calmettes, Leconte de Lisle et ses amis, p. 279.
  5. Paul Verlaine, p. 138.
  6. Ibid., p. 171.