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XXIV
HISTOIRE DU PARNASSE

constate que « la lettre de Ricard garde sur ce point un silence, peut-être trop prudent ». Il semble oublier qu’à la page précédente il a reproduit la lettre de Ricard, et qu’on y trouve cette déclaration : « Il est vrai que nous n’avons rien demandé à M. de Lamartine qui, selon M. Barbey d’Aurevilly, a le fier honneur de ne plus être populaire parmi nous[1]  ». Il n’y a donc, de la part de Ricard, ni silence, ni prudence, mais dédain. Autre faute de lecture : Verlaine, incarcéré en Belgique, ayant demandé l’appui de Hugo, Lepelletier prétend que « V. Hugo n’agit pas », et, un peu plus loin : « le grand poète intervint, mais sans succès, pour obtenir une remise de peine[2]  ». Même légèreté dans le récit des funérailles de Nina de Callias : Lepelletier raconte que H. de Callias a conduit le deuil de sa femme, rue des Moines, alors qu’elle n’y demeurait plus, jusqu’au cimetière de Bagneux, alors qu’elle n’y a pas été inhumée[3] .

Décidément les poètes ont trop de ciistractions, ou de vanité, pour être des historiens exacts. Emmanuel des Essarts imagine un Parnasse où Leconte de Lisle ne serait qu’une étoile lointaine, ce monde littéraire gravitant autour de Mendès, Ricard, Coppée…, et des Essarts[4]  !

Heureusement nous avons quelques monographies plus précises, notamment pour Leconte de Lisle ; on connaît les nombreuses études signées Jean Dornis, pseudonyme quelque temps mystérieux : « sous le nom de Dornis, disait Banville, se cache une dame dont l’auteur subissait la grande fascination. C’est avec cette délicatesse vraiment féminine qu’elle lui rend en hommages posthumes ce que le poète lui avançait, sa vie durant, en enthousiasme et en adoration[5]  ».

En effet, nous trouvons en tête de son roman publié en 1894, La Voie douloureuse, une préface signée : Leconte de Lisle ; le sévère critique s’épanouit en compliments : « grâce à la constante élévation de votre pensée, vous avez su éviter, madame, avec un rare’ bonheur, les écueils d’une situation romanesque quelque peu dan-

  1. Paul Verlaine, p. 195, 194.
  2. Ibid., p. 353, 365.
  3. Pierre Dufay, Mercure de France du Ier juin 1927, p. 324.
  4. Journal des Débats du Ier septembre 1908.
  5. Revue des Revues, 1895, II, 430 ; cf. Paul Gruyer, Deux bancs de pierre sous la feuillée, dans les Débats du 11 juin 1924.