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HISTOIRE DU PARNASSE

Il rend hommage à sa puissance ; il le trouve « bien plus fort que M. de Banville, et… autrement râblé ». C’est lui le vrai maître du Parnasse, et c’est donc le grand responsable : « disons-lui la vérité dans la langue symbolique qu’il adore. M. Leconte de Lisle est le véritable Hanouman de ce Parnasse Contemporain. Hanouman, il le sait, est le dieu singe de la mythologie indienne, fils de Pavana le dieu des vents (et des poètes creux), qu’on représente avec une longue queue, suivi d’une troupe de singes, et tenant une lyre ou un éventail… Un éventail ! ce n’est pas toujours contre la chaleur de ses vers ! »

Enfin, dans une conclusion d’ensemble, après avoir une dernière fois reproché aux Parnassiens leur manque d’originalité, leurs imitations, et « ces trente-six cruches d’ennui » qu’ils nous cassent sur la tête, Barbey d’Aurevilly explique le pourquoi de sa colère, de sa fureur : la péroraison de son réquisitoire ne manque pas de souffle, et contient une part de vérité : « La poésie du Parnasse… est radicalement mauvaise pour l’inspiration, et c’est pour cela qu’il faut être implacable. La poésie des Parnassiens ne pense ni ne sent. Elle n’est qu’un vil exercice à rimes, à coupes de vers, à enjambements. Enjambements, ronds de jambes de danseuses, et toutes les indécences qui suivent d’ordinaire ces sortes de ronds ! Elle ne chante ni Dieu, ni la patrie, ni l’amour qui est le sacrifice, ni aucun des mérites de nos pauvres cœurs ! En cela d’autant plus coupable, en cela d’autant plus basse, d’autant plus digne de la cravache et du fouet de poste de la Critique, qu’elle ne croit qu’à la matière et aux attachements matériels ! Dans l’ordre des coupables, les plus coupables sont les sacrilèges, et les poètes sont des sacrilèges quand ils prostituent à d’indignes ou de puérils usages les vases sacrés de leur autel.

« Et ceci par quoi je veux finir, est plus haut, Messieurs du Parnasse, qu’une question de forme ou d’amour-propre littéraire, qu’une question de Trissotin[1] ! »

Après un pareil assaut, on peut considérer comme négligeables les attaques de Zola qui, mal documenté, croit que les Parnassiens passent leurs soirées à s’admirer les uns les autres, ou celles de Rousse qui les accuse de manquer d’idées : « c’est le vide hémis-

  1. Nain Jaune du 14 novembre 1866, page 4.