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HISTOIRE DU PARNASSE

Lafenestre. Il avait déjà publié en 1864 Les Espérances, avec un sonnet liminaire tout juvénile :


Dans ces vers troublés, si tu veux les lire,
Tu dois retrouver plus d’un franc sourire ;
Les pleurs y sont vrais, et tombés des yeux.


Ce n’est pas d’un impassible, mais d’un vrai poète. Lafenestre est un artiste, et un critique d’art. Il revient d’Italie, et donne à ses amis du Parnasse la primeur de ses idylles, « pénétrées, dit Theuriet, de la grâce lumineuse et du parfum des collines toscanes[1] ». Il publie au Parnasse de 1869 sa célèbre chanson À l’Impruneta. C’est une charmante colline, dominée par une toute petite ville qui porte le même nom, près de Florence. Au fond des âmes passionnées qüi l’habitent passe encore un courant païen[2]. Ce mélange de volupté et de foi anime les couplets de L’Impruneta. C’est le chef-d’œuvre de Lafenestre, car il y décrit ce qu’il a observé ; il ne fait pas de couleur locale : il compose un tableau avec ses croquis de voyage :



À l’Impruneta les filles sont belles ;
Des ailes aux pieds, dans l’œil du soleil,
La tête aux aguets comme les gazelles,
Le sein droit et fier aux rosiers pareil.
À l’Impruneta les filles sont belles.

À l’Impruneta les gars sont hardis :
Chevelure éparse où la brise joue ;
Ils seront soldats, bergers ou bandits ;
Une pourpre chaude allume leur joue.
À l’Impruneta les gars sont hardis !

À l’Impruneta l’église est étroite :
Le curé subtil range prudemment
Ses filles à gauche et ses gars à droite :
Il sait que le fer court vite à l’aimant.
À l’Impruneta l’église est étroite !…

À l’Impruneta l’amour va bon train
Dans les ravins creux aux senteurs de fraise ;
Le curé subtil y perd son latin :
On s’aime à quinze ans, on s’épouse à seize.
À l’Impruneta l’amour va bon train[3].


  1. Souvenirs, p. 274.
  2. Lucien Gennari, les Études du 5 juillet 1928, p. 63, 65-66.
  3. Parnasse, p. 265-266 ; Œuvres, p. 181-182.