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HISTOIRE DU PARNASSE

Parnasse de 1866 est fort modeste : pour commencer, trois sonnets quelconques, puis un poème, Les Vierges, où il oppose deux jeunes filles, une patricienne, et une beauté plébéienne :


Luxuriante et plantureuse,
Elle est le rosier d’Avignon.
Comme le fruit d’or sur les branches,
Mûre pour les puissants larcins,
Elle est rythmique par ses hanches,
Et sculpturale par ses seins.


Jules Breton, peintre, serait tenté de prendre comme modèle le Rosier d’Avignon, mais, poète, il sourit de la suite :


Et ses belles formes égales
Promettent aux regards tentés
La saveur des nuits conjugales
Et l’espoir des maternités[1].


Des Essarts n’est guère plus heureux au Parnasse de 1869. Les Amants de la Liberté sont un sujet vaste et lourd que ses petits bras n’ont pu ni embrasser, ni soulever. On dirait qu’il a pris dans le classique recueil de Pierrot-Desseilligny une pièce de vers latins couronnée au Concours général, et qu’il l’a traduite en vers ambitieux, oubliant son Horace :


Sumite materiam vestris, qui scribitis, œquam
Viribus, et versate diu quid ferre recusent,
Quid valeant humeri.


Cherchons ailleurs, dans cette troupe serrée, quelqu’un qui soit digne de sortir du rang. Claudius Popelin n’est pas banal ; il est célèbre même, mais surtout comme émailleur. Gautier l’a loué, dans un superbe sonnet, pour ses émaux et non pour ses vers[2]. Pourtant il a beaucoup d’esprit, et sait trousser joliment une anecdote ; aussi est-il bien accueilli à Saint-Gratien[3]. Mais, comme poète, il ne peut faire concurrence à Th. Gautier ; il n’y songe pas, du reste, car il s’incline modestement devant l’auteur des Émaux :


Plus grave qu’un Sachem, Théo, dans sa demeure,
Fume avec ses amis le calumet de paix.
Un nuage azuré, suspendu comme un dais,
Se balance léger sur les fronts qu’il effleure.


  1. Parnasse de 1866, p. 191.
  2. Poésies, II, 247 ; cf. de Spœlberch, Histoire des Œuvres de Th. Gautier, II, 354 sqq.
  3. Albalat, Flaubert et ses Amis, p. 146 ; Bergerat, Souvenirs, I, 349-351, 421.