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LE PARNASSE

Nouveau Rabelais, Théo cause, les coudes sur la nappe :


Tous ses mots ciselés au tranchant du savoir,
Dans le quartz étemel des onyx et des prases,
Constellent, chatoyants, le brocart de ses phrases.

Et moi, son hôte, alors, j’ai coutume de voir
Dans la pénombre, autour du cercle des convives,
Les Grâces souriant aux Muses attentives[1].


C’est à peu près ce que Popelin a fait de plus original, car on peut négliger un sonnet inspiré de Lucrèce Borgia, un Memento Vivere à la manière d’Horace, et La Leçon de Canut le Grand, dans le genre de Leconte de Lisle. Ce qui manque à ce disciple, c’est d’avoir appris, à l’école du Maître, le secret des vers réussis. Dans Les deux Chasseurs, l’émailleur a laissé deux bavures :


                                       Je n’aime personne
Ni rien, que mon carquois à mon flanc qui résonne…
L’homme à qui résonnait un carquois sombre au flanc.


Et ceci, c’est le vers final !

Popelin, des Essarts, Manuel, Aicard, sont pourtant les figures les plus intéressantes du nouveau groupe. Après eux, que trouvons-nous ? De la poussière de poètes : Mme Blanchecotte, une ouvrière qui a su s’instruire, qui a été l’élève de Lamartine et de Béranger, mais s’est arrêtée au genre sous-Lamartinien[2] ; Léon Cladel, qui a du talent en prose, et qui a appris chez Baudelaire à rimer ; Mme Louise Colet, qui a ouvert son salon aux Parnassiens, et chez qui fréquente Leconte de Lisle ; Charles Coran, qui est éblouissant dans ses causeries, mais rien que dans ses causeries ; Alexandre Cosnard qui devrait rester notoire, pour avoir, dans La Retraite, risqué cette inversion :


J’entendis de tambours un roulement si grand.


Charles Cros, au talent bizarre, mériterait une étude à part, dans la bohème du Parnasse[3] ; mais nous l’avons déjà aperçu chez Nina de Villard, et cela peut suffire. Verhaeren lui reconnaît du talent, et Verlaine force l’éloge, avec cette facilité qu’ont les bohèmes à s’octroyer entre eux du génie[4]. Citerai-je encore Édouard Grenier,

  1. Parnasse de 1869, p. 351.
  2. Cf. l’article de Ch. Coligny, dans la Revue Fantaisiste du Ier mars 1861, p. 107 sqq.
  3. Cf. Gustave Kahn, Les Nouvelles littéraires du 27 avril 1929. — Cf. Charles Wolff Disques, p. xvii, xxvii-xxxiii.
  4. Verhaeren, Impressions, III, 37’57 ; Verlaine, V, 384.