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HISTOIRE DU PARNASSE

des préliminaires de la paix : le lendemain, le 27 février, il envoie à Heredia sa protestation de combattant : « Nous ne cédons pas l’Alsace ; on l’arrache de nos mains. Nous la reprendrons[1] ».

Dans le désastre général il avait vu s’écrouler successivement tout ce qui lui restait de croyances politiques : la reddition de Paris lui fait perdre sa vieille foi républicaine : il l’avoue à son plus cher confident : « l’extrême bêtise des républicains, leur manque absolu d’esprit politique, leur ignorance, leur rage de se déchirer perpétuellement les uns les autres, l’envie qui les dévore, et l’interminable série des autres vices qui leur sont propres, nous amèneront une restauration monarchique avant six mois… Cela m’est fort indifférent[2] ». Il ne leur pardonne pas la publication des papiers des Tuileries, et puis il voit venir de loin la Commune, bien avant tout le monde : « nous aurons des nouvelles journées de juin 1848 ; personne ici ne songe à cela… La paix nous mettra aux mains ici[3] ». Il n’était que trop bon prophète. À partir du 18 mars ses lettres ne sont plus qu’un long cri d’horreur et de haine[4]. Pour ces révoltés l’auteur de Kaïn n’éprouve plus la moindre sympathie. Il résume son exécration dans une lettre à Heredia, le 29 mai 1871 : « Nous avons été la proie, mon cher ami, d’un soulèvement total de tous les déclassés, de tous les fruits secs…, de tous les paresseux… des rôdeuses de barrière, de la lie des prisons et des bagnes. Jamais la justice, la liberté, l’ordre social tout entier n’ont couru un plus épouvantable danger. Puisse la leçon nous être bonne… Enfin, c’est fini. J’espère que la répression sera telle que rien ne bougera plus, et, pour mon compte, je désirerais qu’elle fût radicale ». C’est lui qui souligne, et son vœu est exaucé. Devant les milliers de cadavres, il hésite un instant, puis il se durcit, et souhaite que le châtiment continue : « il faudrait déporter toute la canaille parisienne, mâles, femelles, et petits[5] ».

Cependant son ami Louis Ménard avait passé en Angleterre pendant l’armistice, pour rejoindre sa famille réfugiée à Brighton. Il lisait avec stupeur les journaux anglais et leurs correspondances de Paris. La plume à la main, il défendait la France à sa façon.

  1. Ibrovac, p.562.
  2. Ibrovac, p. 559, 560.
  3. Dornis, Hommes d’Action, p. 108-109.
  4. Dornis, ibid., p. 109-110 ; Essai, p. 257-258.
  5. Ibrovac, p. 563-565.