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LIVRE V
LA DISPERSION

CHAPITRE PREMIER
La mansarde parnassienne

Leconte de Lisle quitte le boulevard des Invalides pour le boulevard Saint-Michel, suivi par le Parnasse ; l’histoire de la pension impériale est oubliée ; les habitués sont aussi nombreux qu’avant. Des figures nouvelles apparaissent. Le peintre Jules Breton et sa famille sont présentés par Heredia ; cela nous vaut un récit vivant des soirées du Maître, fait par un témoin tout jeune, aux yeux perçants et malicieux : la future Mme Demont-Breton a trouvé le mot qui sert de titre à ce chapitre ; elle décrit d’abord, avec un respect de néophyte, « cet appartement pris dans le toit de l’immeuble, et dont les murs et les plafonds étaient obliques, épousant la forme de ce toit… C’est ce qu’on appelle vulgairement une mansarde ; mais saurait-on donner ce nom misérable au logis qui abritait l’un de nos plus grands génies poétiques, et qui réunissait tous les samedis, de huit heures à minuit, les jeunes gens d’avenir admis à s’approcher de la lumière de ce génie[1]  ? » C’est au 64 du boulevard, à l’École des Mines. Dans ce salon glorieux et modeste, dit Barrès, préside le Moïse cornu de Michel-Ange[2]  ; mais, devant Moïse se dresse, « puissant et solitaire », très grand, aux épaules larges, les mains derrière le dos, le genius loci, le Dieu, « Jupiter en redingote noire », dit irrévérencieusement Mlle Breton. Les cheveux, blancs maintenant, forment derrière la tête une couronne qui dégage le front immense, en dessous duquel brillent avec inten-

  1. Mme Demont-Breton, Les Maisons que j’ai connues, II, 128. Sauf indication contraire, tous les détails de ce chapitre sont pris dans ce joli ouvrage.
  2. Dolori et Amori sacrum, p. 261-262.