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LE DISPERSION

tion dont il est capable, à se refuser toutes les bavures de style que se permettait l’auteur du Pas d’armes du Roi Jean :


Notre-Dame,
Que c’est beau !
Sur mon âme
De corbeau,
Voudrais être
Clerc ou prêtre
Pour y mettre
Mon tombeau[1].


Il perfectionne la technique du vers qu’il avait apprise d’abord auprès de Mendès. Ecoutons du reste un poète jugeant notre poète : « Il excelle à l’agencement des sonorités lentes qui tout à coup se relèvent d’un trille imprévu, et par le contraste de son prosaïsme intentionnel avec la magnificence de ses rimes, il engendre pour l’œil, pour l’oreille, pour l’esprit, des effets de surprise qui nous sont un ravissement. Je crois pouvoir attester, sans craindre le démenti d’aucun professionnel, que pas un seul, hormis Hugo, n’a possédé plus subtilement la science de son métier[2] ». Et même on ne trouverait pas chez Coppée la plus petite « âme de corbeau »,

Ses vers ont dû être épluchés en séance plénière avec d’autant plus de sévérité qu’ils pouvaient exciter toutes les jalousies, ou toutes les admirations. Mallarmé est de ceux qui admirent : « Le Lys est une des plus magnifiques minutes que m’ait accordées la Poésie… Je crois que c’est bien là vous : une si nette pureté que toutes les autres émotions que susciterait le poème (profondeur, richesse, par exemple) loin de s’émaner séparément en l’esprit, concourent encore à cette pureté[3] ». Sully Prudhomme se sent attiré plutôt par Ferrum est quod amant[4]. E. des Essarts nous apprend que le Parnasse admira surtout Et nunc et semper, ou L’Adagio ; il frémit encore en pensant à ces récitations, à la voix vibrante de l’ami Coppée[5]. Elle dut vibrer surtout en disant La Bénédiction[6].

  1. Nul n’a jamais pu expliquer cette âme de corbeau ; cf. Abel Bonnard, Débats du
    7 mars 1926.
  2. Haraucourt, Correspondant du 10 juin 1908, p. 880-881.
  3. Monval, R. D. D.-M., Ier octobre X923, p. 661.
  4. Monval, Revue Hebdomadaire, 31 août 1912, p. 649.
  5. Journal des Débats du Ier septembre 1908 ; Coppée, Poésies, 1864-1869, p. 61, 59, 16, 12.
  6. Mon Franc-Parler, III, 65.