Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
370
HISTOIRE DU PARNASSE

CHAPITRE IV
Anatole France

Un de ses plus grands admirateurs a dit : « M. Anatole France, que l’on osa prendre pour un poète parnassien, a toujours différé de ceux qu’on lui donnait pour maîtres par le souffle énergique d’une pensée exquise[1] ». Que devons-nous en penser ? Anatole France entre au Parnasse avec un bagage assez léger, car ses œuvres de jeunesse intéressent surtout ceux qui s’amusent à retrouver les sources de ses plagiats[2]. Il est inutile d’insister : personne n’ignore qu’A. France est le roi des plagiaires. À ses débuts au Parnasse, il est l’homme de deux livres, les idylles de Chénier, les tragédies de Racine. À la Villa Saïd on peut contempler un exemplaire de Chénier dont l’usure atteste les bons services[3]. France possède à merveille le genre d’André Chénier : on sait qu’il en a fait un pastiche à ce point réussi que Becq de Fouquières s’obstina à le maintenir dans ses éditions savantes comme parfaitement authentique[4].

Chénier passe pourtant dans son admiration après Racine. Racine est le seul homme dont France ait gardé le culte toute sa vie[5]. La question a été traitée à fond par M. G. des Hons, dans un livre si pondéré qu’il nous réconcilierait avec la manie des sources. Ses rapprochements ne sont pas exagérés. Il nous montre France puisant dans Racine comme Racine avait puisé dans les Anciens[6].

On s’aperçoit vite au Parnasse que le nouveau venu est tout Racinien[7] ; cela n’est pas pour déplaire à Leconte de Lisle : France a dû avoir un joli succès, s’il a récité, boulevard des Invalides, la

  1. Maurras, Anatole France politique et poète, p. 5-6.
  2. G. Huard, Normannia, fascicule II, septembre 1928.
  3. Ségur, Conversations, p. 65.
  4. Heredia, Les Bucoliques, p. xiii ; cf. Barthou, Revue de Paris, 15 décembre 1923, p. 721-727.
  5. Le Goff, Anatole France, p. 230-231 ; Roujon, La Vie et les Opinions, p. 237 sqq.
  6. Anatole France et Jean Racine, passim.
  7. Ricard, Petit Temps du 2 septembre 1900.