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HISTOIRE DU PARNASSE

Puis, silencieusement, il pleura[1]. Son émotion fut plus forte que sa maîtrise de ses nerfs, parce qu’il venait peut-être de se rappeler la strophe finale du Manchy :


Maintenant, dans le sable aride de nos grèves,
          Sous les chiendents, au bruit des mers,
Tu reposes parmi les morts qui me sont chers,
          Ô charme de mes premiers rêves !


À quelques semaines de là il mourait. Ses poètes cherchèrent vainement à magnifier sa mémoire[2]. Heredia lui-même manqua, par deux fois, son éloge funèbre[3]. On multipliait les articles enthousiastes qui, disait Mme A. Daudet, « auraient charmé, peut-être prolongé sa vieillesse[4] ». Ils arrivaient trop tard : too late, suivant la devise mélancolique de Barbey d’Aurevilly. Heureusement son vieil ami Ménard, enfin réconcilié avec lui, avait publié dans La Critique Philosophique, au moment de son élection à l’Académie, une étude presque définitive, où il faisait bonne justice des critiques, toujours les mêmes, que ressassaient les journaux : — c’est un impassible étranger à tout sentiment humain, un archéologue qui ne sait faire que des pastiches, un adorateur de la forme qui n’a pas une idée, et qui s’en console en prêchant le Nirvana. — Avec la vigueur de l’amitié Louis Ménard réfute toutes ces inepties[5]. En philosophe, il loue surtout chez Leconte de Lisle la puissance des pensées. Nous admirons plutôt chez lui la splendeur du verbe. De ce côté, il n’a plus que des admirateurs.


  1. Poèmes Tragiques, p. 140-141 ; H. de Régnier, Revue de France, 15 mais 1923, p. 394-395.
  2. Catulle Mendès, Les Braises du Cendrier ; cf. E. Noël, Le Frisson des Heures, p. 136.
  3. Aux obsèques, et à l’inauguration du monument ; cf. Le Temps du 22 juillet 1894, et du 11 juillet 1898.
  4. Souvenirs, p. 198.
  5. Critique Philosophique, 30 avril 1887 ; nouvelle série, 3e année, I, 314, sqq.