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LA PERSISTANCE DU PARNASSE

discerner cela… Tels vers de mon ami Plessis me satisfont plus que les constructions de Taine[1] ». Ces lettres privées, ces conversations intimes lui paraissent insuffisantes comme témoignages de son estime littéraire : il dédie Les Noces Corinthiennes à Plessis ; celui-ci n’est pas en reste avec son ami, et, sûr de sa propre valeur, il proclame ce qu’il doit à France :


À l’âge bienheureux qui souffre et qui s’étonne,
Près de toi j’ai marché dans la ronce et les fleurs,
Et les fruits que je cueille en mon précoce automne
Te doivent une part de leurs belles couleurs…

Je fuyais, je cherchais la solitude et l’ombre…
Qui donc, m’offrant un but digne de mes efforts,
M’enseigna le chemin qui déplaît au grand nombre,
Me dit : Quitte le siècle et vis avec les morts ?

Ô poète I c’est toi ; c’est ta mémoire agile
Qui, se jouant aux vers relus et médités,
D’abord me fit connaître Euripide et Virgile,
Et m’ouvrit le trésor des deux antiquités.

C’est toi qui me menas vers le docte Racine
Formé, dès son enfance, à la langue des dieux
Je marchais altéré… la source était voisine…
À peine un clair rideau la voilait à mes yeux.

Mais il fallait ta main pour m’écarter les branches[2]


Plessis paye royalement ses dettes, et croit ne les avoir jamais assez payées. Il manifeste encore aujourd’hui sa reconnaissance pour Mendès ; il vante sa complaisance, sa bonne camaraderie, la générosité avec laquelle ce fondateur de revues, à la fin du second Empire, lance les jeunes poètes. De vrai, c’est grâce à Catulle Mendès que sont insérées au Parnasse de 1869 quelques pièces de Plessis : un sonnet gothique, Le Coffret, Somnolence, et Médaille. Je ne les ai pas retrouvées dans ses œuvres complètes, et pourtant, dans ces vers qu’il dédaigne, il y a déjà de bien jolies choses, très au-dessus de la moyenne du Parnasse ; ainsi, dans Somnolence :


Un miroir de Venise, et, sur la table frêle,
Bois d’ébène incrusté de nacre qui reluit,
Aux rougeurs des tisons expirant dans la nuit,
Une théière, un livre ouvert, une aquarelle.


  1. Ségur, Conversations, p. 35.
  2. Poésies complètes, p. 109-110.