Après cela il paraît bien oiseux de se demander si Frédéric Plessis est du Parnasse ; pourtant M. Maurras veut enlever ce poète qu’il aime à un groupe qu’il déteste[1]. Le poète, pour son compte personnel, se contente d’affirmer qu’il n’y a pas de vers spécifiquement parnassien ; et, en effet, Leconte de Lisle et Heredia, les vrais maîtres successifs du Parnasse, ne créent pas un vers nouveau ; ils utilisent ce qu’il y a de meilleur dans l’alexandrin classique et dans le trimètre romantique ; ils recommandent surtout, par leurs conseils et leurs exemples, de viser à la perfection, de rejeter l’à peu près, le vers bâclé, chacun restant maître de l’harmonie, de la musique de son vers. En ce sens, M. Plessis a raison d’écrire, en 1924 : « je ne sais pas ce que c’est que le « vers parnassien » dont j’entends parler depuis quelque temps. Il n’y en a jamais eu ; des Parnassiens, les uns ont pratiqué le vers de Malherbe, de Racine et de Chénier, les autres celui de Hugo, seconde manière, à partir des Contemplations[2]… »
On le voit : M. Plessis ne se laisse pas embrigader. Il reconnaît pourtant qu’il a subi profondément l’influence de Leconte de Lisle. Avant 1870, les Poèmes Barbares l’avaient intéressé ; les Poèmes Antiques excitent chez lui une admiration complète qui va jusqu’au culte de tendresse. Présenté au Maître en 1873, il subit le charme comme les autres jeunes, plus peut-être. En mars 1888, il écrit à Leconte de Lisle : « nous sommes très malheureux, ma femme et moi : nous avions fait un rêve, irréalisable : c’était d’aller, à Bourbon, voir les lieux où se sont passées vos premières années[3] ». De son côté, Leconte de Lisle tient en très haute estime ce poète savant : il confie à Jules Breton que « Frédéric Plessis est un Latin pur sang. Il ira loin, car un rayon de Virgile l’éclaire, et, presque imberbe encore, il est déjà un érudit[4] ». Devant pareil éloge, un autre se fût prosterné ; Plessis garde l’indépendance de ses opinions ; il ose prendre la défense des élégiaques devant Leconte de Lisle qui les attaque : c’était un soir, au sortir d’un dîner chez Heredia ; M. et Mme Leconte de Lisle, escortés par A. France et Plessis, suivaient la rue de Babylone, et approchaient de la Croix-Rouge. Tout en cheminant, le Maître criblait de sarcasmes les élégiaques et la poésie