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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/208

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à l’université.

un petit voyage dont Sophie parut enchantée ; mais elle prenait de moins en moins son parti de la séparation, et fatiguait son mari par d’incessantes exigences. Elle ne pouvait bouger sans l’obliger à venir la chercher ; il devait faire ses commissions, s’occuper de mille bagatelles, et quoiqu’il y mit la meilleure grâce du monde, ses travaux en souffraient ; mais Sophie ne tenait jamais aucun compte de cela. »

Plus tard, lorsque Sophie se plaignait à moi de sa vie passée, elle répétait sans cesse avec amertume : « Personne ne m’a jamais véritablement aimée ». Je répliquais alors : « Mais ton mari t’a beaucoup aimée. — Il m’aimait quand j’étais là, était sa réponse invariable, mais il pouvait si facilement se passer de moi ! »

« L’explication de la réserve de Kovalewsky à cette époque, me semble naturelle ; mais Sophie ne l’admettait pas ; elle eut de tout temps une certaine prédilection pour les relations tendues, et les rapports peu naturels ; elle voulait prendre et ne pas donner, et cette disposition de son caractère est en grande partie la véritable cause du drame de sa vie. »

Je me permettrai de citer encore quelques remarques de sa compagne d’étude, qui prouvent combien les étrangetés du caractère de Sophie se développèrent de bonne heure, et combien il faut leur attribuer les souffrances et les luttes intérieures dont sa vie fut dévorée.

« Elle aimait ardemment le succès. Lorsqu’elle se proposait un but, elle faisait tout pour l’atteindre, et