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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/228

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la vie en russie.

et qui n’avait jamais souhaité la fortune pour lui-même, ni pour les avantages qu’elle procure, tenait plus que sa femme à réussir dans la voie où il s’était engagé ; le sentiment de l’échec, de la défaite, l’écrasait.

Une première catastrophe fut évitée : Sophie alla trouver les amis qui avaient participé à leurs entreprises, et sans se laisser décourager par les difficultés et les froissements d’amour-propre, elle réussit à obtenir un arrangement dont chacun fut satisfait. La reconnaissance et l’admiration de son mari furent sa récompense, et leur bonheur semblait renaître, lorsque l’homme diabolique, au rire sinistre, que Sophie avait vu en rêve, apparut en réalité.

C’était une espèce d’aventurier de grande allure, avec lequel Kovalewsky avait eu des relations d’affaires, et qui chercha maintenant à l’entraîner dans de nouvelles et dangereuses spéculations. Sophie fut prise d’une aversion instinctive pour cet homme, et avec une singulière clairvoyance ne voulut jamais le souffrir dans sa maison ; elle supplia son mari de se séparer de ce mauvais conseiller, de chasser, comme elle le faisait elle-même, toute préoccupation d’affaires, pour retourner à la science ; elle ne put l’obtenir. Bien que Voldemar eût été nommé professeur de paléontologie à l’Université de Moscou vers cette époque, 1880 et 1881, et qu’il eût quitté Pétersbourg avec sa femme, rien ne put le détacher des entreprises commencées ; elles prirent au contraire des proportions de plus en plus considérables et fantas-