Aller au contenu

Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
sophie kovalewsky.

tiques. Il parlait d’exploiter une mine de pétrole dans l’intérieur de la Russie, de développer certaines branches importantes de l’industrie nationale et d’y gagner des millions, et, aveuglé par son nouvel associé, il se refusait à écouter les observations de sa femme ; il finit même par lui retirer sa confiance et lui cacher ses affaires. Rien ne pouvait blesser Sophie plus profondément ; elle avait cherché à rendre son union avec son mari aussi intime, aussi étroite que possible, et s’était consacrée avec une intensité passionnée à ce qui lui paraissait le but principal de sa vie : les questions capitales devaient, selon elle, primer toutes les autres. Elle accepta encore tous les sacrifices, usa de tous les moyens pour s’assurer l’amour exclusif, complet, de son mari et le sauver du danger qui le menaçait, mais elle n’admit pas le partage. Une amie de cette époque décrit ainsi les luttes et les travaux qu’elle s’imposa :

« Sophie, pour rattacher son mari à la science, prit part elle-même à ses études : elle prépara ses cours avec lui, mit tout en œuvre pour lui rendre la vie agréable et le ramener au calme ; tout fut inutile. Kovalewsky n’était plus, je crois, dans un état normal ; ses nerfs surexcités ne pouvaient plus retrouver l’équilibre. »

L’aventurier, dont le désir dominant était de séparer sa victime d’une femme trop clairvoyante, profita des premiers malentendus pour les grossir : il laissa supposer à Sophie d’autres motifs que des questions d’affaires à la réserve de son mari ; « elle