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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/231

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III

AVENTURES DE VOYAGE. — UN MALHEUR


À peine le train eut-il quitté la station, que Sophie, ayant perdu de vue les amis venus pour l’accompagner, donna un libre cours à une émotion longtemps contenue. Elle fondit en larmes, pleurant ses courtes années de bonheur, ses illusions de vie intime envolées à jamais, et s’effrayant de la solitude dans laquelle il lui fallait retomber. Sa chambre d’étudiant lui avait suffi jadis ; pourrait-elle s’en contenter maintenant qu’elle avait goûté le bonheur de vivre à son propre foyer, aimée, entourée d’affections ? Elle essayait de se consoler en songeant aux études qu’elle allait reprendre, aux travaux qui lui donneraient une célébrité dont l’éclat rejaillirait sur tout son sexe ; mais rien ne la calmait, tout lui paraissait pâle, comparé au bonheur des dernières années ; ses larmes redoublaient, les sanglots la secouaient tout entière.

Dans son trouble, elle n’avait pas remarqué dans le wagon la présence d’un monsieur, d’âge moyen, qui la regardait avec sympathie.