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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/300

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désillusions et tristesses.

dans son salon de réception. Je ne puis rien faire de plus pour travailler à ta célébrité.

« Ta dévouée,
« Sonia. »


Quand nous nous revîmes en automne, nous commençâmes le dernier et définitif remaniement de notre double drame. Mais l’enthousiasme, la joie du travail, les illusions, tout était envolé ; ce fut une besogne purement mécanique. En novembre déjà le drame fut imprimé et proposé en même temps à divers théâtres. Le reste de l’automne fut employé à la correction des épreuves. Notre œuvre parut vers Noël, fut malmenée par Wirsen et le Stockholms Dagblad et bientôt après refusée par les théâtres. Un billet de Sophie, en réponse à la nouvelle de ce revers, prouve qu’elle l’accepta assez légèrement :

« Que vas-tu faire maintenant, mère cruelle et perfide ? Couper en deux ces frères Siamois, séparer ce que la nature a joint ? Tu m’inspires une véritable terreur. Strindberg a raison par rapport aux femmes. Mais malgré tout je viendrai te voir ce soir, monstre. »

Effectivement nous étions devenues un peu indifférentes à notre drame depuis qu’il était achevé. En cela nous nous ressemblions, nous n’aimions que « ceux qui n’étaient pas nés », et nous rêvions déjà d’autres travaux qui réussiraient mieux ; mais nous différions en ce que Sophie continuait à tenir de tout son cœur à la collaboration, tandis que pour moi, elle était