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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/302

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désillusions et tristesses.

nait elle-même, au contraire, car elle donnait beaucoup, mais elle voulait la réciproque, et par-dessus tout, il fallait lui faire comprendre qu’elle avait autant de valeur aux yeux de ses amis, que ceux-ci en avaient pour elle.

Cet automne apporta à Sophie plus que des déceptions littéraires, elle eut encore une grande et amère douleur à supporter. Cette sœur pour laquelle si souvent elle avait traversé la mer, afin de ne pas lui manquer au dernier moment, avait été transportée à Paris pour y subir une opération. Sophie était alors retenue par ses cours à Stockholm, mais au risque de perdre sa position elle serait aussitôt partie, si on l’avait appelée. On lui assura que l’opération serait sans danger, et qu’elle offrait tout espoir de guérison : le succès de l’opération fut même annoncé, et elle reprenait courage, lorsqu’un télégramme lui apporta soudain la nouvelle de la mort d’Aniouta. Une inflammation des poumons s’était déclarée, et dans l’état de faiblesse où se trouvait la malade, celle-ci avait promptement succombé.

Ainsi que Sophie l’a raconté dans ses souvenirs, elle avait toujours tendrement aimé sa sœur, et à la douleur de l’avoir à jamais perdue, et de n’avoir pu assister à ses derniers moments, se mêlait encore d’amers regrets sur le triste sort de cette Aniouta, jadis si belle et si admirée. Dévorée par une longue et douloureuse maladie, déçue dans toutes ses espérances, malheureuse dans sa vie intime, arrêtée dans son développement artistique, elle n’avait eu, pour