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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/330

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activité littéraire.

pas de lettre de lui, mais d’un de ses amis, et les nouvelles étaient peu satisfaisantes. Nous passâmes ainsi quelques semaines extrêmement agitées et fatigantes, dans cette ville où, un an auparavant, Sophie avait été accablée de flatteries et de louanges, et qui semblait déjà l’avoir oubliée ; elle avait eu son « quart d’heure ».

Nous rendîmes visite aux amis de Sophie et aux miens, et fîmes de nouvelles connaissances ; du matin au soir nous étions en mouvement, mais pas à la façon des touristes, car je ne vis rien de la ville et de ses monuments, pas même la tour Eiffel. La seule curiosité que nous pouvions artificiellement éveiller en nous, fut consacrée à l’étude de la société, et au théâtre ; nous nous laissions entraîner dans une sorte de tourbillon, car il fallait un stimulant à l’intérêt littéraire, qui lui-même faiblissait. Notre cercle de connaissances se composait d’un mélange bigarré, mais intéressant, de nations et de types : une famille israélite russe, et une famille de la haute finance française dans le grand genre, habitant toutes deux des hôtels particuliers très aristocratiques, avec laquais en culottes courtes et bas de soie, et tout le luxe aristocratique traditionnel ; des savants et des savantes suédois et russes, des émigrés polonais, des conspirateurs, des littérateurs français, et parmi les Scandinaves, Jonas Lie, Valter Runeberg, Knut Wicksell, Ida Ericson et diverses autres personnalités intéressantes. Sophie rendit aussi visite aux coryphées de la science française, et reçut quelques invi-