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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/340

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la fin.

Quelques semaines après, elle retournait à Stockholm. Ce voyage qu’elle détestait ne devait pas être seulement le plus douloureux, mais cette fois encore le plus incommode qu’elle eût jamais fait. Le cœur brisé par l’amertume de la séparation, sentant que ces déchirements incessants la tuaient, elle restait, assise dans son wagon, par ces froides et glaciales journées d’hiver, désespérée du contraste entre l’atmosphère tiède et parfumée qu’elle venait de quitter, et le froid du Nord ; ce froid devenait pour elle comme un symbole, elle le prenait en horreur, avec la même passion qu’elle adorait le soleil de la Méditerranée, et le parfum des fleurs. Au point de vue matériel, son voyage fut plus pénible que d’habitude : par une singulière ironie du sort, elle ne prit pas, en quittant Berlin, la route la plus directe par Copenhague ; il y régnait une épidémie de petite vérole, et la crainte de cette maladie lui fit prendre la route plus longue, et fort incommode, des îles danoises. Les fréquents changements de trains, joints au mauvais temps, contribuèrent probablement à lui faire prendre froid. À Frédéricia, où elle arriva la nuit par une tempête et une pluie battante, elle ne put, faute de monnaie danoise, trouver un porteur, et fut obligée de traîner elle-même son bagage, fatiguée, transie de froid, et si découragée qu’elle était prête à tomber à terre.

Quand elle arriva à Stockholm le mercredi matin, 4 février, elle se sentit malade, mais n’en travailla pas moins le jeudi tout entier, et fit sa leçon le 6 ;