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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/341

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sophie kovalewsky.

elle était toujours très exacte et ne manquait jamais un cours, à moins d’impossibilité absolue. Le soir, elle se rendit même à un souper à l’Observatoire. Là, se sentant plus souffrante, elle voulut se retirer, mais ne trouva pas de voiture, et avec le manque d’esprit pratique qui la caractérisait, se trompa d’omnibus, et fit un long détour, par une soirée froide et pluvieuse. Seule, abandonnée, secouée de frissons, une tristesse mortelle dans le cœur, elle resta dans l’omnibus par cette nuit glacée, sentant le mal s’emparer d’elle avec violence.

Le même jour, dans la matinée, elle avait prévenu mon frère, alors recteur de l’Université, qu’à tout prix elle voulait un congé au mois d’avril. Sa seule consolation en rentrant en Suède avec désespoir, était de faire de nouveaux plans de départ ; dans l’intervalle il fallait tuer l’ennui et l’agitation par le travail. Elle avait plusieurs nouveaux projets sur le tapis, des travaux littéraires et scientifiques dont elle parlait avec intérêt. Elle développa à mon frère un nouveau travail de mathématiques qui, selon lui, aurait été son œuvre la plus remarquable. À Ellen Key, avec laquelle les derniers jours de sa vie se passèrent, elle parla de plusieurs nouveaux romans qu’elle avait en tête ; l’un d’eux, déjà commencé, contiendrait le portrait de son père, un autre, aux trois quarts terminé, serait un pendant à Vera Vorontzof.

Bien que Sophie eût souvent appelé la mort, elle ne la désirait pas encore. Selon les amis qui l’assistèrent dans ses derniers moments, elle semblait au