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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/88

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mon oncle pierre vassiliévitch.

des heures entières à discourir ensemble de choses et d’autres. Lorsqu’il était préoccupé d’une idée, il y pensait et en parlait sans cesse. Oubliant complètement qu’il s’adressait à une enfant, il développait souvent devant moi les théories les plus abstraites. C’était ce qui me charmait : je me sentais traitée en grande personne, et m’efforçais de comprendre ou tout au moins d’en avoir l’air.

Bien que mon oncle n’eût jamais étudié les mathématiques, cette science lui inspirait un profond respect. Il en avait recueilli quelques notions dans certains livres, et aimait à faire là-dessus ses réflexions à haute voix en ma présence. C’est lui, par exemple, qui me parla le premier de la quadrature du cercle, des asymptotes, et, si le sens de ses paroles me restait incompréhensible, elles frappaient mon imagination, et m’inspiraient, pour les mathématiques, une sorte de vénération, comme pour une science supérieure, mystérieuse, ouvrant à ses initiés un monde nouveau et merveilleux, inaccessible au commun des mortels. À propos de ces premières notions sur les mathématiques, il faut que je rapporte un détail curieux, et qui a contribué à développer en moi un grand intérêt pour cette science.

Lorsque pour la première fois nous nous installâmes à la campagne, il fallut réparer toute la maison, et mettre de nouvelles tentures dans toutes les chambres et elles étaient en si grand nombre, que le papier manqua pour une de celles destinées aux enfants. Il fallait en faire venir de Pétersbourg :