Aller au contenu

Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
mon oncle théodore schubert.

sa tête comme une fourrure de loutre épaisse et veloutée. Le froid faisait briller ses joues et les rendait vermeilles ; ses yeux bruns avaient un regard vif et animé, et une rangée de dents fortes et blanches se montrait à tout instant entre ses lèvres rouges bordées de jolies moustaches.

« Que mon oncle est beau garçon ! pensais-je en le contemplant avec admiration.

— Est-ce Aniouta ? demanda mon oncle en me désignant.

— Y penses-tu, Fédia ? Aniouta est tout à fait une grande fille. Ce n’est que Sonia, dit ma mère un peu froissée.

— Mon Dieu, qu’elles sont devenues grandes ! Tu n’auras pas le temps de te retourner qu’elles feront de toi une vieille femme, Lise ; attention ! »

Et, disant cela, l’oncle m’embrasse en riant. Je rougis involontairement, confuse de ce baiser.

À dîner, l’oncle occupe naturellement la place d’honneur, à côté de maman. Il mange de grand appétit, ce qui ne l’empêche pas de parler sans arrêter. Il raconte les nouvelles et les commérages de Pétersbourg, fait rire tout le monde, et rit lui-même d’un rire sonore et bon enfant. Chacun l’écoute attentivement ; mon père lui-même le traite avec beaucoup de considération, et sans la moindre apparence de hauteur, sans ce ton ironiquement protecteur dont il accueille si souvent les jeunes gens qui viennent nous voir, et que ceux-ci n’aiment pas du tout.

Plus je regarde mon nouvel oncle, plus il me plaît.