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Page:Spenlé - Novalis.djvu/112

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NOVALIS

un second cycle poétique, qu’on pourrait appeler le cycle philosophique.

Un certain intervalle a dû s’écouler entre les événements et la composition de ce second groupe. Les dispositions où a été écrit le quatrième hymne ne sont plus celles du Journal intime, elles répondent plutôt au bilan moral que le poète établissait dans une lettre de décembre 1798. « Depuis deux ans, ». dit-il, « je ne me suis plus préoccupé de l’avenir, j’ai négligé bien des choses dont je pensais n’avoir plus besoin, j’ai tâché de me rendre aussi libre que possible. Des événements fortuits m’ont retenu jusqu’à ce jour. Avec le plus grand sang-froid et avec la plus grande sérénité j’ai voulu quitter le monde. Maintenant bien des choses semblent conspirer contre mon projet. Au lieu de voir ma présence devenir de moins en moins indispensable, je me sens de nouveau rattaché par un sentiment de devoir à des connaissances nouvelles et anciennes, — je sens combien je puis encore être utile à beaucoup, combien la camaraderie m’oblige à ne pas abandonner ceux que j’aime dans une situation embrouillée, mais à partager avec eux les difficultés de la vie. »[1] Il se pourrait bien qu’une nouvelle « vocation » pour le mariage, qu’il se découvrit bientôt après, entrât dès à présent pour une grande part dans ces « devoirs nouveaux ». Après avoir écrit que « le suicide est un acte éminemment philosophique » il devait s’apercevoir un beau jour que tout au contraire « la philosophie ne commence qu’avec le mariage ». Quoi qu’il en soit de cette évolution morale et des causes secrètes qui la déterminèrent, Novalis voulut s’en donner à lui-même une justification rigoureusement philosophique. C’est la matière du quatrième hymne à la Nuit.

On pourrait intituler cet hymne : méditation philosophique près d’une tombe aimée. L’extase n’est encore qu’une révélation exceptionnelle, un miracle psychologique tout-à-fait isolé dans la vie de l’esprit, un état d’exaltation qu’il est impossible de rendre permanent. Sans doute elle dé-

  1. Raich, op. cit., p. 92.