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Page:Spenlé - Novalis.djvu/116

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NOVALIS

rêve incomplet, une illusion temporaire, que la mort vient abolir. « La vie » dit Novalis, « est en vue de la mort… La vie est une maladie de l’esprit… La mort est un continuel anéantissement de la vie imparfaite, en vue de rétablir la vie parfaite, céleste. »[1] Telle est aussi la conclusion du quatrième hymne à la Nuit. Le monde actuel n’a qu’un simulacre d’existence ; ce qu’il y a en lui de plus essentiel c’est une aspiration universelle à se dissoudre, à se résorber dans l’identité primitive. « Un jour », dit le poète à l’univers lumineux, « ton horloge sonnera la fin des temps ; — lorsque tu seras devenu pareil à nous, que tu t’éteindras et que tu mourras, consumé de nostalgie. » Il faut que peu à peu se fondent et se dissolvent dans une universelle aspiration d’amour toutes les formes constituées, toutes les individualités isolées, toutes les volontés encore résistantes. Avec joie le poète sent dès maintenant s’accomplir en lui la destinée libératrice. « J’arrive sur l’autre bord et tous mes tourments se changeront un jour en aiguillons de volupté. Encore un peu de temps, et je serai affranchi, et je reposerai au sein de l’amour… Ô Ombre bien-aimée, aspire avec force, mon âme, afin que bientôt je puisse m’assoupir pour toujours. Je sens en moi le flot régénérateur de la mort, et j’attends, plein de courage, parmi les tourmentes de la vie. »

Il reste à examiner encore un troisième groupe des Hymnes à la Nuit, — le cycle religieux et chrétien, — qui marque comme une troisième phase du délire initial. Dans des états anormaux et somnambuliques, voisins de l’extase, le poète avait senti d’abord se déchirer le voile intérieur et une réalité mystique, un « au delà » nocturne se révéler à lui. Puis, par la méditation philosophique, il s’était efforcé de s’assimiler ces éléments nouveaux, de les faire entrer dans le tissu normal de sa pensée. Cependant l’idéalisme philosophique n’offrait encore qu’un symbolisme schématique, abstrait, pauvre en émotion poétique et mystique. Le besoin d’une représentation plus concrète, plus vivante, et, en ce sens, plus

  1. N. S. II, 1. p. 232. p. 243 et 244.