Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
NOVALIS

bord quelque peine à se reconnaître parmi les abstractions de la « Doctrine de la Science ». Ses cahiers philosophiques, récemment exhumés et publiés dans l’édition complète de ses œuvres, offrent surtout un intérêt symptomatique, en nous initiant plus profondément aux habitudes intellectuelles du poète philosophe. On voit s’y dessiner une physionomie de penseur, où se retrouvent, transposés dans l’ordre de la spéculation abstraite, quelques-uns des traits qui ont contribué à fixer sa physionomie morale. C’est d’abord le même défaut d’unité pondérée et réfléchie, qui se manifeste par une mobilité fiévreuse de la pensée, incapable de se fixer sur un objet défini : « Je reste trop à la surface », écrivait-il lui-même, « il me manque une vie calme, intérieure, un noyau, — une activité unifiée et rayonnante. C’est une activité tout en surface, en zigzag, horizontale, instable, sans énergie, pur caprice, hasard pur… Pourquoi faut-il que je fasse tout avec angoisse, que je n’entreprenne rien posément, avec calme et loisir. » Il s’interrompt pour se gourmander. « Du calme ! », lisons-nous, entre deux fragments. « Il faut pouvoir commencer et terminer quand on veut, mais il faut commencer par se procurer une volonté ! »[1] Il mettait sur le compte d’une croissance intellectuelle trop rapide, ce défaut de pondération. « Toute la période de croissance est chez nous maladive, trop hâtive ; c’est une assimilation trop rapide, un accroissement et un développement précipités. »[2]

Ses fragments portent bien la trace de cette « maladie de croissance » philosophique. C’est une course folle à travers toutes les branches de la connaissance et de l’activité humaines : philosophie, art, religion, politique, mathématiques, physique, chimie, médecine, alchimie et Dieu sait quoi encore ! Une réflexion sur l’art et sur la Madone suggère une considération sur l’histoire générale de l’humanité. Puis défilent tour à tour dans le même fragment, la mécanique,

  1. Voir N. S. II, 1, p. 272, p. 274, p. 290, p. 291, etc.
  2. N. S. II, 2, p. 423.