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Page:Spenlé - Novalis.djvu/143

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L’INTUITIONNISME

la chimie, la peinture, le paysage, la botanique et la géologie.[1] Il faut voir le programme d’études qu’il se trace à lui-même, en cas de maladie. « En cas de maladie, des livres d’édification, des romans, des expériences de chimie, du dessin, de la musique, de la guitare ; copier et prendre des notes, observer la cuisine et la table, visiter des métiers, faire de l’ébénisterie, examiner des collections, faire des observations sur la maladie, des expériences d’acoustique, des descriptions de fossiles, des observations météorologiques, etc. ; — quelques visites, de l’exercice, du repos, de la gymnastique et apprendre des langues, du calme surtout. »[2] Telle est la diète qu’il entend imposer à son esprit ! Et n’y a-t-il pas quelque paradoxe à faire figurer le « repos » et le « calme » comme des tâches, des « occupations » particulières qu’il faut s’imposer méthodiquement ?

Entraîné dans une course vertigineuse à travers toutes les branches d’activité, l’esprit ne peut approfondir rien ; de là une certaine « frivolité intellectuelle » que Schelling, non sans quelque raison, reprochait à son émule en romantisme. De là aussi le caractère divinatoire et incohérent que revêt sa pensée. Celle-ci procède par brusques poussées, par intuitions fragmentaires. Sa marche normale est la digression ; les meilleures pensées du jeune philosophe, ses mots les plus heureux c’est un coq-à-l’âne qui les lui suggère, qui les lui souffle. À la place de l’induction, qui par une synthèse méthodique s’élève à un concept essentiel, dominateur, on voit se développer chez lui le raisonnement par analogie. L’analogie est une forme rudimentaire de l’induction. Très légitime et même indispensable lorsqu’il s’agit seulement d’éveiller et de mettre en jeu les facultés inventives de l’esprit, excellent moyen de découverte, elle a besoin d’être soumise sans cesse à un contrôle plus élevé et ne saurait à elle seule constituer une discipline d’esprit. Elle produit

  1. Voir p. ex. N. S. II, 1 pp. 368-369.
  2. N. S. II, 2, 585 — Ailleurs il se demande si on ne pourrait pas abolir graduellement le sommeil ». (II, 1, p. 122).