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Page:Spenlé - Novalis.djvu/147

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L’INTUITIONNISME

élément, empirique, une sorte de Logique transcendantale qui, à la manière des mathématiques pures, se construirait à elle-même ses définitions, ses postulats, sa nomenclature, sa méthode, et qui s’imposerait à l’expérience avec une rigueur apodictique.

Cette conception devait singulièrement flatter l’imagination du jeune poète. Le goût du symbolisme abstrait est en effet un des traits dominants de l’imagination mystique. On sait à quelles étranges combinaisons les pythagoriciens, les cabalistes employaient les nombres, les mots, les figures géométriques, les lettres de l’alphabet. Le symbole, pour le mystique, n’est pas une création factice de l’intellect, destinée simplement à figurer et à fixer des relations abstraites et très générales : il est doué d’une vie propre ou tout au moins d’une puissance évocatrice, d’une efficacité magique particulière. — De même que les mathématiques communes sont la preuve irrécusable de l’idéalité de l’espace et par suite aussi de l’idéalité du monde sensible qui s’y trouve contenu, de même il doit y avoir une mathématique supérieure, — une sorte de « mathesis » transcendante —, pressentie par les néo-platoniciens, qui nous révèle intuitivement cette fois, non pas les relations externes, mais les qualités intimes des êtres.

En ces termes se pose d’abord pour Novalis le problème. « La philosophie », dit-il, « est la mathématique universelle ou la mathématique supérieure, le principe vivifiant des mathématiques, la mathématique poétique. »[1] Tantôt c’est dans la table des catégories de Kant qu’il espère découvrir des indications sur cette « mystique arithmétique », tantôt il rêve un système entièrement original de « Nombres » philosophiques, qui seraient aux modes « qualificatifs » ce que les nombres et les figures géométriques sont aux modes « quantitatifs ». L’univers se présente à lui comme une vaste équation algébrique. Il s’agit, par une réduction graduelle,

  1. N. S., II, p. 560. Conf. p. 510 et p. 371.