Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
NOVALIS

de son zèle infatigable de collectionneur, mais aussi comme le résumé suceinet de l’histoire de sa vie intime et de sa pensée. Chaque pierre gardait le souvenir d’une idée féconde qui s’était éveillée en lui, d’un voyage intéressant, d’un site admirable, ou d’un disciple affeclionné, qui l’avait quitté pour retourner vers sa patrie lointaine.

Aux préoccupations techniques et scientifiques s’ajoutait chez lui une grande curiosité philosophique. Il avait formé le projet d’une véritable grammaire comparée de toutes les langues d’Europe et d’Asie. De grand matin, avant l’ouverture des cours, on le trouvait assis à sa table de travail, occupa à grouper sur des tablettes, d’après le sens et d’après les ressemblances phonétiques, des racines de mots, tirées de la plupart des langues connues. Ces tablettes devaient former les assises d’un dictionnaire universel des étymologies, qui, dans l’état encore bien arriéré à cette époque de la philologie comparée, ne pouvait guère être mené à terme et ne fut en effet jamais achevé. Non seulement ces connaissances linguistiques rendaient plus attrayants les rapports du maître avec les étudiants exotiques, mais elles devaient aussi confirmer une certaine conception mystique qu’il s’était faite des rapports du langage et de la nature. Il croyait qu’il devait exister un lien profond, quoique peu apparent, une analogie secrète entre la science grammaticale du Verbe, cette « minéralogie du langage », et la structure interne de la Nature.

Enfin le savant et le philosophe se doublait d’un artiste et d’un croyant : C’est ce qui explique beaucoup de partis-pris du maître. Déjà ses contemporains lui reprochaient de vouloir absolument mettre ses théories d’accord avec le récit biblique de la Genèse, ce qui l’amenait à fausser certaines observations ou à négliger certains faits. « À présent seulement je vois sur quelles assises inébranlables repose l’empire de la superstition, écrivait Forster, lors de son passage à Freiberg. « Voilà où on en arrive quand on exalte de parti-pris un certain nombre de dogmes intangibles et qu’on lance l’ana-