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Page:Spenlé - Novalis.djvu/189

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

et au monde n’en a pas moins été profondément déplacé. Une indéfinissable nostalgie s’est emparée de sa pensée, un état persistant de monoïdéisme affectif, véritable idée-fixe du cœur, transfigure à ses yeux les réalités de la nature. Il lui semble que les séries muettes des êtres, dans les vastes collections du temple, vont se réveiller tout à coup pour lui parler de l’aspiration secrète de son cœur. La mort n’a recouvert que d’un voile diaphane l’image chérie, toujours présente. « Je me réjouis », dit-il, « à la vue des collections et des formes bizarres qui peuplent les salles ; mais je sens que ce ne sont là que des simulacres, des enveloppes, des ornements assemblés autour d’une Image divine et miraculeuse et que cette Image repose au plus profond de ma pensée. Ce n’est pas Elle que je cherche, mais je cherche parmi les choses. Sans doute elles vont me montrer la route vers le lieu où, dans un profond sommeil, se tient la Vierge, celle que mon cœur recherche d’amour. »

Ces lignes nous livrent le secret de l’attitude personnelle du poète, en face des grands problèmes de la nature. C’est avec les préoccupations d’un délirant mystique et amoureux qu’il aborde l’étude de cette dernière. Dès les premiers jours, qui suivirent la mort de sa fiancée, on voit cette attitude nouvelle se dessiner chez lui. « Les sciences », écrivait-il alors à Just, « prennent à présent pour moi un intérêt supérieur, car je les étudie avec des intentions plus hautes et d’un point de rue plus élevé ».[1] La même pensée se retrouve dans une lettre écrite, peu de temps après, à Frédéric Schlegel. « Je ne suis pas inactif ; je m’approche à présent par un autre côté de mon but primitif et avant de l’avoir atteint je ne songe pas au repos ».[2] On se rappelle aussi le second Hymne à la Nuit, où la nature révèle tout à coup au poète tout un empire occulte et magique. Sa correspondance est désormais remplie d’allusions à ces recherches passionnantes. « En physique » lisons-nous à la

  1. Novalis Schriften. Édition Tieck III, p. 20.
  2. Raich, op. cit. p. 31.